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Les Récits de la Maison des Morts

Les Récits de la Maison des Morts
16 avril 2023

Le Crâne en obsidienne

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IF THERE IS A COP AT YOUR ELBOW

IF THERE IS A POLICEMAN AT YOUR ELBOW

J'ai envoyé le dossier demandé par email, une page de mon navigateur était ouverte sur une image religieuse qui m'intéressait représentant un martyr regardant le ciel, son flanc percé de multiples flèches. J'ai reçu une réponse : "merci de bien vouloir imprimer le document demandé et de déposer une copie papier au plus tôt sur mon bureau". J'ai pensé automatiquement : "mais quel con". Il aurait pu me le dire avant. Certains dossiers ne nécessitent plus de version physique, la majorité, c'est rare maintenant le contraire. Tout passe par le digital, on est plus en 2004 et AOL non mais LOL. J'ai travaillé de longues heures, fatiguée, me demandant ce que je faisais sur cette chaise, devant ce bureau, avec mes écouteurs bluetooth sans fil, mes premiers (je n'aime pas habituellement, rien ne vaut les filaires). Le son est correct mais beaucoup moins riche qu'avec des filaires. Mes jambes étaient lourdes. J'ai mangé du poisson, je me suis brossée les dents et les cheveux, je me suis couchée, j'ai fait un rêve et dans ce rêve je prenais une navette spatiale pour quitter la Terre. J'étais tellement heureuse de partir. C'était excitant. Je partais dans une navette sans fenêtres, on était allongé, d'autres gens étaient avec moi, on était tous très excités. A l'idée de partir. Enfin, partir d'ici. Enfin une vraie finalité, quelque chose de nouveau nous attendait. C'était fini les pyramides, les Franc-maçons, Emmanuel Macron, les livres nazes comme ceux de Frédéric Beigbeder, l'argent et courir après des choses qui n'existent pas, tout ce vide c'était terminé. On ne parlait plus argent, le sexe n'existait pas, on était dans des lits-voyages. Comme dans un train de nuit mais vers l'espace, dans l'espace, loin, loin du système solaire. Loin des autres humains laissés derrière. Loin, loin derrière. C'était vraiment un soulagement dans le rêve de partir. On arrivait. On sortait sur un monde nouveau. Tout allait très vite, il y avait des engins volants partout mais c'était plus impressionnant et beau que dans Le Cinquième Element. C'est vraiment un film très pauvre en comparaison, si je compare avec mon rêve. Il se passait des choses, des intrigues avec des aliens humanoïdes tout de noir vêtus, un peu mystérieux et effrayants. Mais je ne me sentais pas en danger, au contraire. J'avais envie de rester, je savais que la navette devait repartir bientôt pour la Terre et j'étais supposée partir avec elle. Je ne devais pas rester là. Et puis le rêve s'est arrêté. Je me suis réveillée, des mains me caressaient les seins, le ventre, les fesses. Une bouche s'est collée contre ma nuque. Une bouche masculine avec une barbe piquante. J'ai demandé à cette personne de se raser mais elle a refusé. Je ne peux pas décemment la forcer. Son corps est recouvert de poils, il n'a vraiment pas de chance d'être devenu une sorte de bête. Lui demander de tout raser ce serait un abus de pouvoir. Et sa bouche a laissé des traces de salive sur ma peau. Et j'ai pensé à mon rêve, partir de la Terre. Pendant qu'il me déshabillait dans le lit (je ne dors jamais sans pyjama). Et il a commencé à têter mes seins, à mettre sa langue dans mon nombril (ça chatouille), à mettre sa bouche sur mon sexe, sur mon clitoris. Et j'étais consentante puisque je n'ai pas dit non. Je n'ai pas dit oui non plus en fait. Je regrettais d'avoir quitté mon rêve. Pendant qu'il essayait de me faire jouir, j'ai pensé au dossier. Je l'ai imprimé, un jour de pluie. Je l'ai déposé sur le bureau. A côté d'un porte plume dans lequel une femme était gravée, une nymphe. Elle dormait dans l'eau apparemment. Un porte plume, en voilà un objet désuet. La personne qui m'a fait quitter le rêve a tenté de me faire jouir, avec deux doigts, très rapide. Ensuite il a pénétré mon sexe avec le sien. C'était chaud et plaisant mais aucun plaisir sexuel n'était présent. Je rêvais de repartir dans mon rêve. Qu'est-ce qu'on allait manger tout à l'heure à midi ? Faut toujours penser à ça. Et si on ne mangeait pas ? Et si Poutine gagnait la guerre, ou pire, la perdait, et faisait une explosion nucléaire sur l'Ukraine pour se venger d'avoir perdu ? Y'en a marre de l'Ukraine, des Ukrainiens et de Poutine, heureusement la réforme des retraites a changé de disque. Ce serait vraiment terrible si cela se produisait dans nos vies. Si une explosion nucléaire avait lieu. La bouche de l'homme m'embrassait bien pendant que son sexe était en moi et c'était le plus appréciable du moment. Je dois bien l'avouer. Je pensais toujours à d'autres choses, je savais que mon rêve était perdu. A jamais. Peut-être qu'il reviendrait. Il m'est arrivé de faire des "suites" de rêves rêvés des années auparavant. C'est particulièrement troublant. C'est comme une explosion nucléaire, je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire. Il a éjaculé, il a grogné comme une bête, les hommes n'ont pas de chance, et ça explose et tout le monde devient de la cendre. J'ai vu la photo d'un démon un jour, certainement un prop de cinéma. On mettait des gargouilles pour chasser les mauvais esprits. La nymphe est restée dans ma mémoire depuis que je l'ai remarquée.

J'ai eu du sperme sur le haut des cuisses et sur les mains, je déteste ça, c'est poisseux. Désolée de ne pas aimer ça, certaines femmes aiment qu'on leur fasse dessus, moi je regarde la pluie par le fenêtre pendant que l'imprimante poussièreuse imprime et je me demande comment je vais m'en sortir avec toute cette pluie dehors. En moi. Le rêve est mort. Pourtant, l'angle science-fictionnel mérite d'être salué, je lis des livres de science-fiction entre deux polars de seconde zone. Je sais qu'en France, on aime pas la science-fiction, mais la France, on s'en fout en fait. Elle n'a pas de goût, ou alors ça sent la saucisse. Poisseuse. Un mec, un artiste officiel vient de dire à la télé qu'écrire c'est un échange, un partage. Mais c'est quoi ces connasseries ? Ecrire ce n'est pas un échange, un partage. Ce n'est pas faire passer des émotions. Ni des idées. Ce n'est pas partager un "bon moment" pour la "justice" sociale ou je ne sais quoi de  stupide dans ce genre. Combien de temps elle va durer la justice sociale quand vous l'aurez décrochée ? Au prix de combien de morts et d'explosions nucléaires ? Une explosion nucléaire va se produire bientôt, très bientôt, peut-être. Espérons. Voyez les choses de cette façon au lieu de juger cette opinion : ça nous apprendrait des choses sur la nature humaine actuelle qui s'intéresse qu'à des connasseries comme les réseaux sociaux, le sexe et l'argent. Ce serait excitant. Comme monter dans une navette spatiale et quitter la Terre. Mais pas pour aller sur la Lune, non, plus loin. Loin du système solaire, les humains laissés à eux-mêmes, loin loin derrière. Ce serait idiot de quitter cette planète pour atterrir sur un monde où des porte-plumes ont des représentations de nymphe des années 40. Pendant que je me débarbouillais, le sperme qui faisait des filins gluants entre mes doigts je me transformais en créature du marais, l'homme avec qui je me trouvais se rendormissait, doucement comme un ange il était parti. A nouveau dans son monde intérieur, cela ne l'intéressait pas de savoir qu'il avait interrompu mon sommeil avec son envie sexuelle. Il ronfle quand il dort et des fois je le regarde en me disant : "si seulement il dormait pour de bon". Pas un seul merci pour le dossier imprimé, pas une note de félicitations pour le travail. On est de vrais esclaves pour narcissistes dans cette réalité. Il y a plein de breloques africaines dans l'étagère, poussièreuse, la femme de ménage elle est payée pour vider la poubelle c'est tout. A peu de choses près. Des fois, je suis à la fenêtre et j'imagine dans le ciel devant moi, au dessus des arbres, des gens, des buildings, un immense champignon nucléaire, une explosion nucléaire. Et c'est plus fort que moi mais je souris. Je vois des humains transformés en cendres et c'est horrible, mais c'est un sourire qui se produit. Avec la langue sur les dents. Une explosion nucléaire, comme dans le rêve de quitter la Terre. Pendant que l'homme derrière moi joue à Elden Ring sur sa Xbox noire, un gros cube (non un rectangle plutôt, je sais pas je suis mauvaise en géométrie sacrée) avec une fente. Ensuite il va sur la verranda, il se fait son joint et se l'allume, il sait que je ne veux pas de l'odeur dans la maison, je déteste ça, il le sait. La nymphe gravée dans le porte-plume. Des breloques africaines, la pluie qui n'arrête pas, son sexe épais et long, quand il sourit à la télévision parce qu'il est assez vieux pour toujours, toujours regarder la boîte, avec cette double cruche de Léa Salamé dedans qui raconte semaine après semaine les mêmes âneries vaseuses digne d'un étang en Pologne, et mon dossier enfin terminé. La pluie s'était arrêtée, j'ai intérieurement prié pour qu'on en finisse tous, et c'est en posant le dossier sur le bureau de verre alors qu'il était absent, et ça m'a provoqué un coup au coeur, que j'ai remarqué pour la première fois, bien caché tout au fond d'une étagère, derrière des breloques africaines probablement fabriquées par des petits chinois dans les sous-sols de Paris, un crâne en obsidienne noir qui m'observait intensément.

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12 février 2023

Une explosion nucléaire

 

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Il a eu le sentiment qu'une explosion nucléaire s'est produite dans sa vie intime. Dans son cerveau à proprement parler. Je doute de sa possibilité, sa capacité à ressentir quelque chose de complexe dans son coeur, ou plutôt, à travers son coeur. Complexe, ou juste quelque chose. Un petit frémissement, ne serait-ce qu'une vague chaleur. Au niveau du coeur. Ce n'est pas comme s'il lui en manquait un, car à tous, il manque quelque chose. Et manquer d'un coeur, ce n'est pas si important, ce n'est pas ce qui compte. On traverse tous un récit qui s'écrit pendant qu'on s'agite à écrire nos propres histoires. J'aimerais lui raconter mes histoires et lui dire combien elles n'ont donné aucun fruit. Pas même un fruit confis. Mon coeur était là, trop occupé à regarder le récit qui s'écrivait en direct pour lui. Dans une étrange perception meta. Lui, il n'a pas pu ressentir avec son coeur, c'est peut-être pour ça qu'il a voulu en absorber. Pour remplir d'amour son thorax, et avoir quelque chose. C'était purement animal, trop de lumière dans le cerveau, les yeux ne filtrent jamais. Le pouvoir du coeur lui faisait envie. Les guirlandes rouges dans le sapin du solstice d'hiver aussi. Il a eu la sensation qu'une explosion nucléaire s'est produite dans sa vie intime. Ce n'était pas des explosions nucléaires lorsqu'il se masturbait devant des carpes asiatiques bien agréables à regarder. Ses poissons mourraient régulièrement. Les Koï non. Ils allaient et venaient dans sa baignoire. Gracieux, pacifiques, il les regardait avec un désir assez particulier, il aimait la sensation des écailles sur ses pieds. Car, malgré son absence de coeur, il avait gardé la sensation de la peau au niveau des pieds et les écailles des poissons étaient comme des caresses de femme. J'ignore si vous encadrez la chose. C'est comme une blessure à vif, qui au lieu de détruire, construirait. Comme si le pus était une sève. J'ai toujours pensé qu'on aurait dû (qu'on ?) reconstruire les tours jumelles à l'identique. Histoire d'échapper au récit attendu. Au récit de la mort qui s'écrit à chaque instant, pour tous, une obsession que je possède, qui me traverse comme chez tous les initiés, mais chez moi c'est comme un océan d'encre noire qui ne s'est jamais arrêté malgré mon silence, malheureusement. Une explosion atomique pourrait se produire un jour là-bas et il faudrait bien reconstruire par la suite, il faudrait des bras, des coeurs, des cerveaux, un désir. Il pensait que personne ne saurait qu'il avait des carpes d'ornement dans son appartement. Dans sa baignoire. Elles venaient sans cesse sur ses pieds, et n'importe quel inspecteur de police aurait trouvé cela irritant. Et serait allé se plaindre à son prêtre. 

Une explosion nucléaire qui lui a retiré ses carpes. Elles sont dans une fontaine maintenant, dans un décorum Japonais avec des masseuses qui savent, quand elles touchent le corps de la personne, quelle partie du coeur manque, ou si la totalité est absente. Elles font craquer les vertèbres. Si elles pouvaient, elles retoucheraient les imperfections du crâne. Retireraient les becs, et remettraient en place les mandibules. Il aurait probablement aimé cela, mais dans mon souvenir, il n'était pas sadique, si on peut dire. Un boom lumineux aux proportions gigantesques, comme lorsqu'on perd un être cher, un père, une mère, un enfant. Et la douleur aveugle, trop de lumière, beaucoup trop. Surtout un enfant, et plus rien n'a de sens. Si Dieu ou l'Univers t'enlève ton enfant. Alors que tu fais partie des initiés, et que tu sais, qu'on sait, que vous savez que c'est injuste et que cette injustice fait partie d'un grand jeu aux règles primaires bien définies, les secondaires sont mouvantes. Et bien la douleur est encore plus insupportable. Quand on sait, quand on s'illusionne qu'on sait. Il s'allongeait sur sa couchette de sous-marin lorsqu'il partait en mission, et pensait à ses poissons mouchetés (tachetés ?), loin des injustices impossibles à résoudre. Il écoutait le chant des sirènes et il les suivait car il avait perdu son pouvoir, et ne pouvait plus faire avec son trou à la place du coeur. Il me faisait l'effet d'un paradoxe sur pattes. Comme je l'étais moi-même. C'est juste qu'avec lui, la comparaison me faisait honneur, on sortait des considérations d'argent, de sexe, qui sont tellement partout les mêmes, tellement redondantes et 99% des brebis se complaisent dans cette herbe sans saveur. Des touristes insipides de l'existence, en attente de placement à la morgue. Je le regardais comme s'il était un oiseau précieux et rare avec des couleurs explosives (atomiques ?) et des plumes ridicules. Le ridicule ne faisant pas partie du monde animal, il ne m'en voulait pas. Je l'aimais, en tant qu'initiée, cette obsession d'encre noire totale. 

Et je m'interroge, à quand mon explosion nucléaire, pas à l'intérieur de mon coeur, mais à l'extérieur de moi, qu'on puisse vous voir tous finir comme les victimes d'Hiroshima, Nagasaki. Si c'est pas un rendez-vous manqué en Europe, avec "la guerre à nos portes". Et lui, en mission, cet homme dont je parle depuis le début dans le texte. Et ses belles chemises blanches à fleurs noires. Il a vécu Hiroshima, Nagasaki dans sa vie intime. Dans sa Vie. Dans ses projets, interrompus, brûlés, irradiés. Tout s'est écroulé comme un chateau de cartes, une partie malencontreuse de dominos, ils sont tous tombés les uns après les autres. Les carpes si jolies ont été emmenées dans des aquariums, loin de lui, et lui, il est parti en mission dans un sous-marin. Et les sous-marins ne sont bons qu'à une chose : couler. L'absence de son coeur, la pression dans les bas fonds, il était peut-être d'accord pour couler. Peut-être pour retrouver le chant des sirènes (mieux dormir) et vérifier que ses poissons ne se trouvaient pas tout au fond de l'océan. Qui pouvait le dire, personne n'avait plus vraiment rien à lui dire maintenant. Se masturber devant des poissons quelle drôle d'idée bien regressive, il était resté seul jusqu'au bout.

Je pense que la marine française, au lieu de baptiser un sous-marin "Le Triomphant", aurait encore mieux fait de le baptiser "Futur squelette de sardine". Même si ça mélange les genres.

On pourrait se demander pourquoi tant de victimes, dans une guerre atomique, à quoi ça servirait, à qui, qui aurait avantage à se faire plus d'avantages, sur le dos des squelettes cendrés, cigarettes poussièreuses en os, et pendant que cet homme reste au fond de l'océan, et qu'il  hante un peu les coeurs de ceux qui n'arrivent pas à sentir quoi que ce soit, que l'histoire se répète ou pas, les inspecteurs de police continueront de s'irriter du va et vient des poissons dans l'eau d'une baignoire, et ils iront s'en plaindre à leur prêtre, ces derniers étant accro à la nicotine, encore de nos jours. C'est avec peu de chose qu'on évite un embrasement atomique et une destruction biblique, c'est avec peu de choses qu'on évite de donner raison à des aveuglés, ou qu'on le fait juste par plaisir sadique, en attendant de voir le squelette de l'homme sans coeur, pourrir au fond de l'océan, combien de temps le processus de putréfaction prend dans l'eau je ne sais pas, ce doit être très rapide et le corps doit gonfler, enfler. Avant d'exploser peut-être.

Il a dit qu'une explosion nucléaire s'était produite dans sa vie, et c'est la sensation qu'il avait, et ce n'était pas agréable du tout cette destruction absolue. Il en souffrait, sans avoir de coeur. C'était donc une pure blessure narcissique. Et moi, j'attends de voir les résultats d'une vraie explosion nucléaire, qui se produirait pour de vrai dans la vie, dans VOTRE vie et qui aurait un pouvoir incroyable, capable de déplacer tout votre monde, de renverser l'Univers. Ce serait simplement gigantesque. Quelque chose d'une telle ampleur, sur une si petite planète. Déplacer ton coeur, ça demanderait certainement bien plus qu'une explosion nucléaire.

 

26 août 2010

Le Singe et le Dauphin

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Personne ne contestait et ne discutait la rencontre
de la comète avec la Terre. C'était un fait acquis par la
certitude mathématique du calcul. Ce qui préoccupait, c'était
maintenant la constitution chimique de la comète.

Camille FLAMMARION, La Fin du Monde


Le Monde est resté le même.

Les patrons n'aiment pas le mystère. Chez leurs employés j'entends. Chez eux ça va, c'est même vital. Pourtant tout se sait un jour. Mon ex-ami n'aimait pas mon mystère non plus : il l'adorait. Se consumait en se frottant à lui chaque matin. La brosse à dents qu'il utilisait, j'envisageais souvent de l'utiliser pour nettoyer les toilettes après son passage. Mais ce genre d'actes mesquins ne sont pas de mon pays ni de ma nature. C'est dommage. J'ai toujours pensé que j'étais une sorte de monstre pourtant. Je l'ai tellement dit et tellement pensé, et tellement de gens se voient de la sorte, et tellement d'enfants, d'adolescents. Tellement de monde. Un monstre à dégager. Voilà ce que j'étais, ce que je croyais que j'étais. Non pas par manque d'estime, pourtant bien présent, mais c'était inscrit dans mon code génétique, je n'étais pas tout à fait humaine. Humaine, pas tout à fait, qui écrivait de l'absurde pour faire jaillir la vérité (le grand mensonge ! Mon Dieu quel piège fantastique !). On m'a dit que j'y suis arrivée, parfois. Mais même ça, faire jaillir la vérité de l'absurde, ça ne me suffisait pas. L'écriture ne suffit pas, fondamentalement c'est pour les faibles de nos jours, ceux qui n'ont rien à dire. Il fût une époque où c'était fait pour les forts, quand il y avait quelque chose à construire dans nos cœurs. Le cœur d'une personne, Mon Dieu ! Il existe peu de choses qui me suffisent. La gorge n'est pas ma partie préférée. Encore aujourd'hui le manque rempli tout. J'envisage la route derrière moi, elle me donne le vertige. Ce n'était pas moi ce n'est possible, cette fille-là est morte, et ce n'était pas glamour, et ce n'était pas beau à voir. Même la puissance du féminin était pathétique. Et la route devant moi me fait pitié, c'est trop long, beaucoup trop long. Trop long et trop bon ? Trop long et trop beau. Trop long et trop chaud. Trop long et trop froid. Trop, beaucoup trop de distance. Pour se faire formater la gueule à l'amour. Je sais bien que nous ne sommes pas éternels. Les patrons devraient comprendre cela aussi, avec humilité. Que le mystère n'est pas éternel. Le mystère d'une personne. L'âme, le corps et l'esprit. Les gens n'aiment pas l'esprit, le corps ça va, l'âme, l'esprit plus le corps ça va aussi, mais pas l'esprit  seul non ça va pas et d'ailleurs, je dirais que ceux qui le détestent le plus, ce sont les patrons. Les gens dans l'Entreprise. Les gens dans les Sondages. Quant ils jouissent dans leurs intimités, ils se transforment en grand-mères ridées. Mon patron m'a dit : je n'aime pas les mystères. Mon patron (merci patron !) regarde mes fesses aussi, et mes seins. Et parfois, mon patron, ose regarder les fesses et les seins des autres femmes du secteur. Le bureau sur courant alternatif. Il est marié mais visiblement en manque. Ces gens-là, à pouvoir, même petit, n'en ont jamais assez. Jamais. Et ils détestent l'esprit. Pourquoi ? Parce que l'esprit c'est l'indépendance. L'esprit sans le corps peut voyager au-delà du temps et de l'espace, c'est diabolique n'est-ce pas ? Peu importe le pays, la vallée, plongée dans l'ombre, peu importe votre identité, votre esprit seul est la lumière de votre âme, tandis que votre corps en est l'ombre. Et les patrons vous disent le contraire, vous disent : votre corps est votre seul bien de valeur. Et vous les croyez parce que vous avez peur, peur de vous et peur d'eux, car quand ils ne ressemblent pas à des grands-mères ridées, ils ressemblent à des loups affamés. Et leur mère est une Vierge Noire, et pas complètement folle. Mais je n'ai pas aimé le fait que mon patron glisse sur un terrain non professionnel (sic). En effet, après sa remarque, je lui ai répondu sur un ton nonchalant : "j'ignorais que j'étais en possession d'un mystère personnel". J'ai réalisé tout de suite mon erreur à son regard. Il n'a pas du tout apprécié le ton moqueur que j'avais utilisé pour lui répondre. Sur la forme, parce que dans le fond, il avait adoré, je le ressentais dans mes entrailles. Et c'était effrayant (moi aussi j'ai peur, plus que jamais. Ayez peur car ils sont là !). Mais le mystère, c'était bon pour les femmes pendant la guerre, à conditions qu'elles aient été putes et pas mères, et c'était bon aussi pour le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, pour Francesca et Dick. Le mystère est interdit aux esprits indépendants (je ne parle pas des âmes évidemment, ni aux libres-penseurs qui poussent comme des champignons, autoproclamés dans leurs roses et leurs fumiers brûlés tôt ou tard par un feu salvateur), aux jeunes femmes dans les entreprises, aux jeunes hommes dans leur sexualité, aux enfants dans leur pratique favorite, celle d'arracher leurs ailes aux papillons et aux abeilles. Et donc face à mon patron (merci, encore !), je me souvenais de combien j'avais eu de la peine, du chagrin, et de la souffrance, pour me faire à l'idée, d'un monde aux grands-mères ridées, et aux abeilles sans ailes, et combien j'avais réussi à résister, à l'envie de tout envoyer valser. Combien j'ai souffert, combien j'avais mal, et combien mon patron n'aimait pas le mystère, tout cela représentait un poids immense, et j'avais réussi, à force de pugnacité, à force d'y aller, à force de refuser la vie morte, à l'accepter, non pas à l'assimiler, mais à l'accepter, à accepter l'inacceptable, c'est atroce oui je sais mais c'est ce qui se passe à chaque seconde qui coule sur cette planète comme le système des nuages. Et pendant ce temps-là, pendant que le cadavre passe, vous riez. Vous ne devriez pas, croyez pas. Mon patron adore sourire et rire, surtout quand les affaires marchent. Elles courent ! Les jeunes filles courent vers les loups affamés, j'en sais quelque chose. Le désir hétérosexuel m'apparaît tellement poussiéreux, qui pourrait passer l'aspirateur. Mon patron devrait envisager que le mystère d'une personne, ce n'est pas sa réserve, ni son regard noir, ni sa façon de s'habiller, ni sa façon de se tenir. Il devrait plutôt regarder le codex de la personne en attendant que la nuit vienne, et qu'avec la clémence de la météo, l'on puisse dévoiler certaines constellations particulières. Là peut-être, éventuellement, que la trace, l'origine de toutes choses se trouvent quelque part dans les points qui brillent. Je sais, c'est pas loin d'Elisabeth Teissier mais je n'ai jamais volé très haut de toute façon, et je n'ai jamais cherché à voler plus bas que Terre non plus. Le monde ne change pas. Heureusement, mon patron ne m'a pas trop repris, pour le ton de ma remarque. J'ai juste vu que ça lui avait fait quelque chose, une émotion paradoxale. Le patron en lui et l'homme, qui appréciaient tous deux de différentes façons, en même temps. On appelle ça un démon, un être qui ressent une chose et son contraire en même temps. Ou un malade mental. Je n'irais pas jusque là. Traiter un homme de malade mental, je ne me suis vraiment pas regardée ! (Mon miroir me regarde tous les jours, je l'aime mon miroir et il m'aime !). C'est comme ça que le monde change. Mon ex-ami aime être juste un ami. Le fait que nous ayons fait l'amour, le fait que nous nous sommes aimés (mais qu'est-ce que ça veut dire ? Cela ne veut rien dire, je me passe très bien du formatage par l'amour). On s'en passe très bien. On termine tous à la fin. Pas comme Martin Winckler, t'as envie de fermer ses livres à la dixième page tellement c'est... Les médecins sont des patrons en puissance, avec des différences. Mon ex-ami me parlera de la nouvelle femme de sa vie, et de comment elle le rend heureux. Et de comment on était heureux, dans notre malheur, car c'est un réel malheur de tomber d'amour pour quelqu'un, n'en doutez pas une seule seconde, ou sinon vous aimez plus que vous-mêmes les images de votre propre illusion. Je ne vais pas faire tourner devant vos yeux une spirale sur un parapluie comme Danny DeVito dans Batman le Défi. Le paradis indéfini, c'est clair que je vais arrêter de jouer sur mon mystère. Patron, ne vous en faites pas, les Roms, les êtres humains, eux, n'ont pour seul mystère le fait de n'avoir aucune identité reconnue par personne.

Le Monde a changé.

Photo au début par Angeline (août 2009 à Strasbourg)

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30 avril 2009

L'Homme du Train/L'Homme du Théâtre

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"Chère Kitty,

Chaque fois que je t'écris, il s'est encore passé quelque chose de spécial, mais la plupart du temps, il s'agit d'événements plutôt désagréables qu'agréables. Cette fois-ci, pourtant, les nouvelles sont bonnes."

Anne Frank

Il dit : "le texte est bien comme il est. Ton principal défaut ce sont les détails inutiles, le style, la clarté, tout cela est plutôt bon et lisible". L'autre avait dit : "retouche cette partie", qui ne fait pas sens avec ce que le personnage faisait quelques pages auparavant. Le personnage il faut qu'il soit le plus logique possible et cela me rend triste. Le plus construit, le plus beau. Le plus beau personnage qui soit ne saurait me contenter en fait. Tu vois ce passage fait très Madeleine. L'autre a ajouté cela. Il croque un morceau, et se souvient, ça fait très gâteau. Tu t'en souviendrais comme cela dans la réalité ? Je ne sais pas, je lui réponds, je ne suis pas l'autre. Je ne suis pas toi. Toi tu es heureux et malheureux à la fois, tu ne fais plus de différences (je ne l'ai pas dit à voix haute ce passage). A l'intérieur de ton coeur, tu ne prends plus aucune distance. Tu as eu des difficultés pour revenir sur Terre. Pour redescendre. Sur la scène du théâtre, lors des répétitions, il y avait ce type qui me regardait du coin de l'oeil, je pourrais t'en parler pendant des heures. L'effet qu'il me faisait. Plus tard je suis rentrée chez moi, je me suis couchée auprès de Denis et j'ai fait un rêve. Peu de temps après m'être endormie. Je précise parce qu'il m'arrive de faire des rêves alors que je suis encore éveillée. Il faudrait que je t'en parle, ils parlent du passé, de souvenirs qui, en fait, ne sont pas encore arrivés. D'un passé qui n'est pas encore arrivé. C'est ainsi que je parle à présent, en réalité j'ai toujours parlé ainsi, c'est juste que Vénus approche maintenant. Et j'ai fait un rêve donc. J'ai précisé ce qu'il fallait préciser. J'étais sur le quai d'une gare et je prenais un train. Il s'est passé un phénomène normal dans les rêves, une ellipse. De temps. Et donc j'étais déjà, à peine entrée, dans le train depuis longtemps, et je voyais les paysages magnifiques défiler par la fenêtre et j'ai rêvé que l'homme du théâtre entrait et me regardait avec insistance, en plongeant son regard dans le mien. C'était très intense. Mon coeur bondissait hors de ma poitrine, et nous nous sommes jetés l'un sur l'autre, et nous nous sommes embrassés. Comme si nous avions besoin de le faire à la hâte. Comme des possédés, mais sans l'affliction des possédés. Je ne suis possédée par aucun esprit. Tu plaisantes mais c'est la vérité. Et son baiser était d'un délice, c'était le plus beau et le meilleur baiser qu'on m'avait donné. Ensuite nous faisions l'amour, longtemps, avec force détails comme souvent dans les rêves. Il me caressait à la fin et me disait : je sais qu'Angeline ce n'est qu'un nom d'emprunt, je sais que tu l'as pris à quelqu'un d'autre. Et moi je lui demandais, interdite : à qui l'aurais-je pris ? C'est là que je me réveillais en pleine nuit. Denis dormait à côté de moi. En dormant je m'étais caressée la poitrine à cause de ce rêve érotique. J'étais bien, déchirée que le rêve soit fini mais bien. Relaxée, détendue, heureuse et malheureuse. Ce rêve avait été si bon, pourquoi les choses qui sont bonnes et qui nous provoquent du bien doivent-elles s'arrêter toujours ? Pourquoi toujours ? C'est là que j'ai caressé la joue de Denis lentement, il dormait, ne se rendait compte de rien. Le matin à notre réveil nous faisions l'amour, mais ce fût moins bien que dans mon rêve avec l'homme du train qui était en réalité l'homme du théâtre. Je me disais de toute façon que s'amouracher de la sorte, à l'insu de son plein grès comme on dit chez les bouffons, ce n'était pas grave, c'était même bien. Lorsqu'on gardait les pieds sur Terre. Je ne sais pas pourquoi Denis voulait couper tels et tels passages, pour lui ça ne fonctionnait pas. Je m'en fichais éperdument de son avis désormais mais faisais attention à le garder pourquoi. L'homme du théâtre me regardait toujours avec le regard tordu. Il était plus jeune que Denis et semblait plus intellectuel mais moins rassurant, alors que moi j'avais besoin d'un homme rassurant, pas d'un potentiel agresseur/manipulateur/menteur/girouette/homme mauvais/homme méchant/homme gris/gris tout court. Il m'a proposé un café. Il a dit : "Le texte est bien comme il est". Il m'a dit ça. J'ai pensé au passé qui n'était pas encore arrivé, tout du moins, à ce passé qui ne m'était pas encore arrivé. J'avançais à reculons, c'était ma seule façon de faire, ma seule façon d'avancer dans le brouillard, le blizzard contre moi, toujours contre moi, toujours lui contre moi, toujours quelqu'un contre moi, dans tous les sens du terme, toujours contre. Contre ce que je disais, contre ce que je pensais, toujours contre moi. L'homme du théâtre buvait son café avec un étrange petit rictus. Son regard était tendre et innocent, un peu triste. Pas celle des yeux de Denis. La tristesse des yeux de Denis était tournée vers lui-même, celle de l'homme du théâtre était tournée vers le monde, cela me séduisait davantage. L'homme du train me prenait sans me demander mon reste mais en me respectant totalement. Les images revenaient dans ma mémoire, la nourrissaient, pendant que je buvais mon café en face de l'homme de théâtre, ou du théâtre, disons du, même si c'est moins élégant. Cet homme ignorait que l'homme du Train avait le même visage, la même apparence, mais à l'intérieur, c'était moi qui l'avais fabriqué, c'était mon rêve, j'en avais été la créatrice, oui nous sommes nos propres créateures et nos propres créatures. Bien sûr. Ses mains n'étaient pas tout à fait identiques à celle de l'homme du Train, l'homme du Train avait des mains plus grandes, plus épaisses. L'homme du théâtre avait des mains plus fines, des doigts plus longs, plus osseux, je préférais les mains de Denis, plus épaisses, moins fines. Les mains de Denis donnaient l'assurance d'être protégées, on imaginait les poings qui pouvaient en déboucher un jour. Les poings lorsqu'ils fermaient ses mains étaient impressionnantes, l'homme du Train avait dû copier ses mains pour fabriquer les siennes. Les caresses ont de la mémoire malheureusement. L'homme du théâtre posait des questions, lisait avec attention, me regardait, regardait un peu ailleurs, je me demandais s'il était vraiment attentif. Une semaine plus tôt à Strasbourg, j'avais mangé dans un restaurant et une femme à côté de moi semblait distraite lorsque l'homme qui était en face d'elle lui parlait d'enfants. J'écoutais tout, je mangeais seule, parce que j'étais bien seule, loin de Denis et de ses amis que je n'ai jamais vraiment pu apprécier. Je pense que c'est de ma faute d'ailleurs. L'homme du théâtre me jetait donc un léger regard dans le café, l'homme du Train et moi nous faisions l'amour dans le train, on voyait des paysages incroyables par la fenêtre. Il m'a rendu mon texte ensuite, que j'ai remis dans ma chemise noire. Cette chemise noire avait été trouvée dans le bureau de mon père, j'en prenais conscience en la touchant, à chaque fois en réalité. Souvent. L'homme du théâtre n'avait pas d'alliance et peut-être avait-il vu la mienne, qui était fausse donc parce que je n'étais pas mariée et que je ne pouvais pas me marier avec Denis. Ce n'était pas un homme qu'on épouse, et je n'étais pas une femme qu'on épouse, je n'étais pas une épouse, et ne le serais jamais, ce n'était pas un futur qui m'attendait, c'était un futur déjà fait en quelque sorte. Déjà donné, déjà gaspillé. J'avais envie de dire à l'homme du théâtre qu'avec l'homme du Train, qui avait son visage, j'avais eu beaucoup de volupté, de désir, de plaisir, mais que tout n'avait été que dans ma tête, et que tout ne s'était passé que dans ma tête. Comme les meurtres qui se passent dans la tête, on arrive à se convaincre qu'on a tué pour de vrai, on utilise le vrai du faux pour écrire une histoire qui se prend pour une histoire vraie. Elle voudrait dire tellement la vérité l'histoire, je voulais lui dire qu'il était mort, l'homme mauvais, mais pas par ma main, ou alors qu'il était mort par ma main un million de fois. Que voulez-vous faire dans la vie avec trois volcans qui vous arrivent à la hauteur des genoux, à peine ? Que voulez-vous faire avec la trompe de la femme éléphant, que voulez-vous faire avec l'homme du Train quand on sait que lorsqu'on ouvrira les yeux, on finira par se retrouver ailleurs, l'espace d'un temps ? Je m'étais levée après avoir caressé le corps de Denis endormi. Je me lève souvent la nuit, je le raconte souvent ici. Je le racontais régulièrement. Les gens qui se lèvent la nuit, gratuitement, devraient inventer une nouvelle religion : pas celle des vampires, celle de ceux qui se réveillent en pleine nuit. Les sensations dans le corps sont épuisantes, ces caresses, ces chatouilles, qui ne sont pas dû à ce qui est vivant. A ce qui est. L'homme du théâtre est parti après une bise. On se reverrait la semaine prochaine, même si ça n'avait aucun sens. Une bise qui n'avait rien à voir avec les baisers savoureux de l'homme du Train, qui embrassait divinement bien. L'odeur n'était pas aussi bonne avec l'homme du théâtre et je me répétais que les rêves étaient des traîtres, et peut-être bien plus que des politiciens, les rêves. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser à tout cela. En rentrant après quelques courses faites dans des magasins de vêtements, j'ai regardé Denis assis à son bureau qui lisait le courrier. Il avait relevé la tête en me souriant. Rien d'extraordinaire ne se passait dans la vie actuellement, à part le bénéfique changement silencieux. Et il m'a dit comme s'il n'y croyait pas lui-même : "tu es rentrée ? Comment s'est passée ta journée ?"

AnneFrank

Je me suis couchée et j'ai encore rêvé. C'était l'homme mauvais. Dans mes rêves, l'homme mauvais n'avait rien à voir avec l'homme mauvais de mon passé oublié. Il était repenti. Souvent il s'excusait et me donnait de bons conseils concernant mon futur et ma conduite à tenir selon le chemin pris. Quelle étrange ironie ! Tout le mal qui avait été fait pouvait donc se racheter ! Même par delà la mort ! Même sans que je sois religieuse ! Mais ce n'était pas lui qui était plus gentil dans le rêve, c'était moi qui lui avais pardonné. Dans ce rêve, il me disait, dans sa propre maison plongée dans une étrange pénombre qu'il fallait que je continue sur cette voie. Je lui demandais : "De quoi tu parles, tu es mort. Depuis si longtemps et ça ne m'impressionne plus". Il m'a répondu : "Avec l'homme du Train, quand tu lui achètes des vêtements à la sauvette, prends des choses à sa taille". Là j'ouvrais les yeux. Je ne comprenais pas et à l'heure où j'écris ceci, je ne comprends toujours pas. Une main caressait mon sein. Je me rendais compte que cette main qui caressait mes seins n'était pas la mienne comme la nuit précédente mais celle de Denis, épaisse, grande et rassurante. Il me caressait, lui-même endormi. Je le  réveillais en le secouant gentiment. Il se rendait compte qu'il avait mon sein droit dans sa main. Et je lui demandais s'il avait envie de faire l'amour. Il a répondu avec une voix pleine de sommeil : "Tu sais bien. Comme toujours". 

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15 mars 2009

Les Démarcheurs

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Texte non relu

En pleine nuit, ton téléphone vibre sur ta table de nuit, la nuit pour chevet. Ils font des téléphones qui vibrent tellement fort qu'ils réveillent tout le monde. Et pourtant ils sont ultra fins maintenant les téléphones portables. Tout ça pour voir un message de Robert, un message qui explique qu'il pensait à toi, qu'il était à Orly et qu'il pensait à moi et qu'il se doutait que c'était probablement ridicule de m'envoyer un message alors que ça faisait déjà pas mal de temps que nous nous étions pas revus.  Il avait eu envie de te dire : je pense à toi, il pense à moi, j'étais au lit, tu vois. Oui c'était ridicule, et puis moi j'avais un corps à côté du mien, dans lequel un homme affligé dormait tranquillement, ou ailleurs hors de son corps, comme nous le faisons plus ou moins tous selon les capacités de chacun. En chacun de nous diffère le pouvoir obscur, c'est une injustice Robert, Robert était l'injustice de mon oncle incarné. D'ailleurs je l'avais vu, son gros orteil, avec son ongle incarné. Les ongles carrés, de pervers patentés. En pleine nuit ça réveille, vous n'en pouvez plus, le masque de sommeil se fait dégommer, vous vous l'arrachez de la tête, ça fait mal. Alain Bashung n'a plus mal lui. Mais on s'en fiche, vous n'avez jamais aimé sa poésie. Le corps est étendu à présent. Affligé, parce que émotionnellement perturbé, la quarantaine, tout cela. A côté de moi, tout autour de soi, le monde qui tourne autour de votre soleil. C'était Robert ça aussi, un monde en expansion, à éternelle disposition, comme un gigantesque buffet, il suffisait de tendre la main pour se servir. C'est triste comme monde, pour ceux qui sont aux alentours du buffet à grogner comme des bêtes, je trouve. C'est dommageable. Denis s'est réveillé et a commencé à écouter Sigur Ros, qu'il adore, je lui ai fait découvrir, moi j'en ai fini, j'en ai un peu marre de ces émotions belles mais froides. J'ai besoin de chaleur, d'une chaleur de feu, qui fend le froid avec une épée, comme dans l'espace, les comètes, les météores, les planètes gazeuses et les astres habités qui voyagent. Après on dit que Robert est injustice. Pourtant lui aussi il voyage, il prend l'avion. Je me souviens bien du sourire du vendeur, les démarcheurs sont comme ça. Quelle démarche de vie avions-nous à l'adolescence ? Dans ton adolescence ? Jean-Marc Roberts de Stock : "tout le monde est auteur sur le net, chacun à sa place, chacun à sa place". Chacun à ta place, bien sûr, c'est évident, bien sûr, chacun dans nos places, sur nos chaises, chacun nos terres. Chacun sa planète. Vous verrez, m'a dit le vendeur, c'est un téléphone très complet, pas besoin de l'iphone. T'es venu pour ça ? Pas besoin de la Pomme non. Le soir même je regardais les étoiles, et des nuages gris essayaient de me les cacher, mon regard indigne sur elles. J'ai beaucoup d'indignité en moi, encore. Je ne sais pas si mon travail vaut la peine de tout changer, de tout révolutionner, j'ai été faite pour faire du bien aux autres et putaine je l'ai fait ma mission, même si je ne sais pas ce que ça veut dire dans le fond. Alain Bashung chantait, peut-être qu'il avait été fait, avec son corps atroce et très moche (c'est encore pire maintenant) pour faire du bien aux autres, pour leur apporter quelque chose, sa poésie. Même si je n'étais pas fan. On est fan de ce qu'on peut, aussi. Quand j'étais petite je dansais sur Osez Joséphine et j'aimais ça. Ce que j'aimais ça, danser. Danser toute seule, danser pour le plaisir de tourner, à la vitesse de la lumière. C'était la sensation que j'avais. Ma mère démarchait pour gagner mon amour. Je tournais, ma tête et mon esprit, tout tournait, avec la Terre et la Terre me faisait pleurer, j'en avais mal jusqu'au sang,  Jean-Marc Roberts n'était pas encore à sa place ni moi à la mienne, la sensation de douleur dans les veines, le sang qui coule, qui lui aussi, d'une certaine façon, tourne. Et je tournais avec tout cela, et j'ai continué de tourner, en girouette cette fois et j'ai continué malgré tout, et j'ai fait des choses de girouette, des choses atroces de girouette, j'en ai eu honte et mal pendant longtemps, on ne guérit jamais de ces périodes-là, on tourne, on continue, on fait ce qu'on peut, les médecins ne savent pas guérir la tristesse que je sache,  je le rabâche depuis 2004, ils savent juste la canaliser à coups de médicaments, ils ne savent rien faire d'autre, et n'ont pas les moyens, et n'ont pas le temps. Si le Président Démarcheur avait le temps, de calmer les girouettes, les vraies, ça se saurait, et s'il avait envie de le faire réellement, RÉELLEMENT, ré-elle-ment, ça aussi ça se saurait. Denis n'est qu'un démarcheur parmi tant d'autres. Je l'aime plus que les autres, c'est tout. Robert démarchait quoi à travers son message ? Un peu d'attention ? Quémandait quoi  exactement ? Tournait-il autour de son sentiment de solitude, dans cet aéroport, les avions tournaient au dessus de sa tête. Les corps partout, les voix, les sons, les bruits, les flics. Je n'avais pas peur. Je n'avais pas faim. J'ai effacé les messages, le vendeur du téléphone m'avait certifiée : c'est encore mieux que l'iphone. Il avait un sourire de démarcheur, ceux qui font le monde tel qu'il est, mais certainement pas tel qu'il sera. Quand Denis m'embrasse et me caresse, tout tourne autour de moi.

D

Denis s'est réveillé ensuite et il écoutait Sigur Ros. Il avait son débardeur gris et son pyjama noir. Je me suis collée contre lui, ses pieds étaient chauds et il m'a dit bonjour sans sourire, il regardait l'écran de son Ipod. Je voulais lui dire que je voulais son Isexe mais que je n'étais pas certaine qu'il me donne ses Itesticules avec, que j'avais envie de sentir remplir ma bouche. Elles sont assez grosses et volumineuses et j'adore les séparer l'une de l'autre. Tout tourne. Et tourner avec, la langue dessus, avec. Mais finalement mon envie de sexe s'est émoussée. J'aurais pu lui parler du message reçu, il n'a pas demandé, pourtant plus tard je l'ai vu trouver une excuse pour prendre mon portable. Mais trop tard, le message de Robert était effacé. Complètement effacé, complètement et à jamais. Les démarcheurs mettaient leurs cravates, leurs gilets, leurs chaussettes noirs. Se gominaient les cheveux. Prenaient leurs voitures anciennes/neuves. Ou allaient par deux à pieds, avec des mallettes. Ils souriaient tout le temps, faussement, mais tout le temps quand même. Les petites gens attendaient leur passage. Les petites gens attendaient leur secours. Ils passaient, démarchaient. C'est ce que font les démarcheurs, ils dénaturent la marche du monde. Démarcher son amour, c'est une autre des nombreuses choses que je ne sais pas très bien faire. Être bonne à rien, c'est être disponible pour l'univers. Je l'ai compris plus tard. Disponible voire indispensable. Il faut comprendre au-delà de la chair, au-delà de son odeur. Son Isexe me donnait envie là, mais il pensait à autre chose, il écoutait son Ipod, ou la musique dedans. On ne sait plus tellement. Je l'ai caressé, je sais trouver son point sensible. Quand j'étais avec Jérôme, j'étais bien, même si lui n'aimait pas trop que je lui suce les testicules qu'il avait sensibles. Robert se faisait lécher devant moi même l'anus, les filles faisaient semblant d'aimer ça. J'ai toujours eu beaucoup d'affection pour les filles éteintes que Robert prenait devant moi. Elles étaient comme j'étais avant : dans les ténèbres à la recherche de quelque chose. Denis a commencé à me caresser mais je n'avais plus envie. Non. Je n'avais plus très envie. Autant me mettre un bâton de dynamite dans les fesses, pour faire partir l'angoisse, hein, autant aller chercher des temples en Afrique, dans les rêves avec l'Aventurier du Mal. Autant démarcher chez mes voisins un peu d'amour, autant démarcher à mon banquier un peu de compassion. Autant aller démarcher auprès des enfants. Autant découcher en attendant le retour du Maître Temps. Ce salopard.

C'est comme ça qu'on démarche le week-end avec la personne qui partage votre vie. On lui caresse un peu les parties, mais on a plus envie, très vite. On a plus envie du tout. C'est là que lui il se met à avoir envie, l'autre, il vous caresse les cuisses en écoutant sa musique, vous empêchant de lire le livre que vous êtes en train de lire. Finalement, vous acceptez, pour lui, pour son plaisir à lui, même si c'est mauvais comme tout, comme la gale, de devoir faire plaisir aux autres quand on en a pas envie. Il s'est mis à bander, et à me lécher le sexe en souriant, tout en pinçant mes seins. Mon sang allait exploser, on aurait vu des morceaux de moi sur les murs, des morceaux de mon corps, un de mes bras arraché par terre. L'aventurier du mal lui était un démarcheur exceptionnel, il était parti pendant plusieurs mois, découvrir des temples mystérieux en Afrique.

Ouza

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12 mars 2009

Les Pions d'un jeu d'Echec en bois

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"Ne fais jamais rien contre ta conscience, même si l'État te le demande."

Albert Einstein.

Je ne t'ai jamais rien demandé, en fin de compte. Pas même de l'attention. L'attention c'est ce que les animaux demandent, pour les plus bêtes. Je ne suis pas ce genre de bête-là. Dans les bras de quelqu'un d'autre, le besoin de s'enfuir est toujours présent, mais j'accepte. Structure je disais. Il faut prendre soin de son corps. On ne le dira jamais assez. Surtout à ces filles qui ne mangent plus, qui veulent être plus maigres, parce qu'elles se voient trop grosses. Elles sont grosses de lâcheté peut-être, je l'ai été, je le suis encore. Mon père pourrait le dire. Il pourrait dire tellement de choses. Quand il palpe les seins de son amie, il pourrait parler de la différence entre le sein de son amie et  celui de ma mère. Comment étaient ses seins ? Denis a de grandes mains, épaisses et des doigts longs. Des doigts qui n'ont jamais travaillé dans le bâtiment, mais plutôt dans le bureau du bâtiment. J'aurais aimé avoir un ouvrier, aux émotions simples, un ouvrier qui sent mauvais à la fin de la journée, le béton, le goudron, quelque chose. Qui regarde le foot, qui comprend que le foot, qui n'aime que le foot. Le foot est le nouveau Christ. Le nouveau Christ mourrant. La cigarette qui fait rire, tous les ouvriers, pas tous, tous les hommes qui ont besoin de rire dans leurs ténèbres. La sueur mélangée à toutes ces odeurs-là, ses bras autour de mon cou, sa bouche contre moi. Contre la mienne je veux dire. J'aurais aimé ça. Le goudron chaud, brûlant, sur les routes, le soleil tape fort. Nous étions passé un jour, ils tapissaient la route de goudron. Nous étions repassés par là quelques mois plus tard, et il y avait du vent, en Alsace, et de la pluie, car il pleut parfois là-bas, c'est gris. C'est gris ici-bas en Alsace. Et le vent emportait avec lui les cônes oranges, le vent emportait avec lui les bandeaux jaunes, attention travaux, nous sommes en travaux. Pendant ce temps-là, les femmes enceintes, dans les cliniques, enfantaient.

J'étais assise dans un café et j'attendais qu'une femme vienne me voir. Nous avions rendez-vous. Je pensais à mes personnages et je me demandais s'ils avaient plus de vie que moi. Moi je leur donnais un corps, j'aimais modeler leurs visages dans mon esprit. Comme les enfants qui s'inventent des amis. Cette femme tardait, elle avait envoyé un sms pour me dire qu'elle serait en retard et qu'elle s'en excusait. Je lui ai répondu qu'il n'y avait pas de problèmes, que je l'attendais. Que j'avais tout mon temps. Tout le temps qu'il me fallait, dans deux heures, trois heures, ça n'avait plus du tout de sens pour moi, comme lorsque mes amies au téléphone me demandaient : le week-end dernier, qu'est-ce que tu as fait ? C'était incohérent, j'avais envie de leur dire : "autant me demander ce que je vais faire le week-end prochain, ou dans deux ans, c'est la même chose, ça n'a pas de sens tout ça". Adolescente, j'aurais  pensé: "on se fout de notre gueule dans les hautes sphères", mais je ne le dirai plus de cette façon aujourd'hui. J'ai eu le temps d'être meurtrie à mort depuis.

Une femme rousse avec un manteau de fourrure riait avec sa voie suraiguë : -"Non tu crois ? Ah ah ah ah, Jean-Michel a fait ça ? Ah ah ah ah". On aurait dit parfois Janis Joplin, en plus démoniaque. Le serveur regardait dans le vide, il nettoyait ici et là, passait et repassait. Le pauvre garçon j'ai pensé. Avec son nez en trompette et ses oreilles en chou-fleur. Un homme buvait tranquillement un café en lisant le journal, je me disais : peut-être va-t-il mourir en sortant de ce café. Il ne regardait personne et je faisais attention de ne pas me faire voir en train de l'observer. Je ne voulais pas passer pour l'une de ces personnes dépressives qui regardent les gens dans la crainte d'être épiée à son tour. Je n'étais plus comme ça. Je manquais de force pour cela, c'était fini. Beaucoup de choses mauvaises s'étaient terminées en moi, mais rien n'avait su prendre la place laissée vide. J'attendais avec patience, de toute la patience dont j'étais capable, Denis n'avait pas la même patience, il n'a jamais été patient. Bernard non plus, il manquait de patience. C'était terrifiant de le voir s'emporter pour une cartouche de plume vide. C'était un drame, la fin du monde, c'était un narcissique patenté. Moi j'étais en dehors du temps dans ce café.

Ensuite j'ai marché quelques instants au Père Lachaise comme j'aime le faire seule, la femme était venue. Elle était désolée, très rapidement désolée. Je lui ai fait le plus grand des sourires. Je me suis sentie hypocrite, à côté de mes chaussures. Elle voulait me parler de mon frère à qui elle était mariée. Pour lui c'était comme pour moi, difficile d'en parler. Les cases vides certainement, qui n'avaient pas su se remplir. Le destin est une salope patentée. Parfois, je me disais que ce n'était pas mon frère, malgré les liens du sang, les liens du sang ne font rien, presque rien, ils attachent les corps les uns aux autres, les liens du sang ne font rien, on est que des objets avec les liens du sang, et on en est fier la plupart du temps, ce qui est assez pathétique il faut l'avouer.

Ce frère, je le connaissais pas. Je l'aurais rencontré dans la rue il y a trois ans je n'aurais pas su qu'il avait été le premier de ma mère. Ma mère qui avait toujours souhaité ne pas l'avoir avec elle.

Mais j'avais appris à contrôler ma douleur, celle que j'ai dans le sang, la plupart du temps. Elle est devenue avec le temps non plus le moteur contre lequel je me battais, et avec lequel j'avançais. Elle est devenue une compagne certes embarrassante, et encombrante, indésirable, mais je n'avance plus grâce à elle, et je ne m'affronte plus à elle, j'avais perdue toutes les batailles. J'ai cessé tout cela sans l'avoir vraiment souhaité. Les pièces se sont mises en place sans que je le veuille véritablement, sans que je m'y attende. C'est un peu la magie de la glace lorsqu'elle se forme, elle peut avoir une vie, un souffle, une volonté, l'illusion de la volonté. Cette femme m'avait parlé de choses, et je repensais à ces choses, au milieu des tombes. Je ne devrais pas visiter les cimetières. Pourquoi ? Parce que je m'y sens trop bien. Et que c'est certainement anormal.

Je ne lui ai jamais rien demandé, pas même de l'affection. Non ce n'est pas stupide de demander de l'affection. Non. J'en ai parlé à Philippe, je lui ai dit une vérité connue de tous : tout le monde a besoin d'amour et d'affection. Je voulais dire : "tout ce qui est vivant". Mais en disant cela, dans un même temps, j'ai ressenti cette chose étrange. Qui me faisait croire que je n'étais pas faite pour ça. Et cela me provoquait autant de soulagement (enfin, de savoir), que de tristesse (savoir ne pas être fait pour une chose, mais pourquoi donc sommes-nous faits ?). J'ai compris plus tard qu'il fallait juste que je garde la tête froide. Comme l'esprit de la glace lorsqu'elle se forme, sa volonté est magique. C'est certainement anormal.

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8 mars 2009

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"C'était le croque-mitaine ?"

Laurie Strode (Jamie Lee Curtis) dans Halloween de John Carpenter.

Je lui ai dit : tu te souviens de ton besoin d'enfant ? Je tenais son visage entre mes mains, j'essuyais avec mes pouces ses larmes naissantes. Il est sensible, de plus en plus émotif, de plus en plus touché, de plus en plus marqué. Par les choses. Qui lui arrivent, les sentiments nouveaux qu'il ressent, cette révolution en 365 jours, bientôt 474. Ton besoin d'enfant, il aurait pu le comprendre de travers. On pourrait le comprendre de travers, les hommes ne font pas seulement des enfants, ils couchent avec eux, c'est un fait. Mais pas lui. J'ignore si je l'aurais aimé de la même façon s'il avait couché avec des enfants. Comme vos maris. Vos amis. Vos pères. Vos frères. J'ai déjà aimé un homme qui avait couché avec des enfants, pendant longtemps, pendant au moins 825 jours, il me l'a caché. Je ne lui avais jamais rien demandé au sujet de sa sexualité, à ce niveau-là, on ne demande pas. Aux inconnus leurs préférences. On se contente de les caresser à la rigueur. Ou de mettre le doigt dans leur blessure au niveau du flanc. Pour voir si du volvic en jaillit. C'était une belle journée ou pas, je ne sais plus, le jour où j'ai appris. Mais Denis n'est pas comme ça. Il m'a souvent dit dans des jours de colère que si j'étais un homme, depuis longtemps qu'il m'aurait mis mon poing sur la figure. Je lui rappelle à l'occasion qu'il l'a fait une fois, ensuite je m'en veux de ressortir ça sur le tapis, ce n'est pas intelligent. Mais j'oublie. Il était content d'être revenu à la maison, il m'avait un peu fait croire qu'il était en train de voir quelqu'un, je lui avais dit : très bien. Tu es heureux au moins ? Mon optimisme l'énervait dans notre séparation. J'énervais les gens autrefois par mon pessimisme, c'était une pathologie, c'était pathologique. Je lui ai dit : tu te souviens de ton besoin d'avoir un enfant ? J'aurais dû le dire comme ça. Je ne pouvais pas parler correctement, les atteints de logorrhée les pauvres sont bien handicapés, je ne vous raconte pas le bordel.

C'est entre mes mains que je tenais sa face. Sa face d'homme. Je suis trop jeune pour être vieille et trop vieille pour être jeune. A l'intérieur. C'est trop dur d'être sans âge, sans sexe, il y a des interférences avec le corps, qui refuse. J'ai pourtant des chaussures propres pour la fin du monde, demain. Mes pouces essuyaient ses larmes. Je me disais : j'aime son visage comme j'aime ceux des enfants, mais ceux des autres. Je n'ai jamais eu d'enfants, je ne suis jamais tombée enceinte, je n'ai jamais avorté, si j'aurais avorté, je ne sais pas comment je l'aurais supporté, bien sans doute, très bien même. Au Diable l'amour, au diable le père, l'amour avec le père, et les chaussures propres. Au Diable la mer. De larmes. Elles naissaient, elles étaient belles, elles étaient transparentes. Lorsqu'elles coulent le long du nez, et qu'elles pendent au bout, elles prennent une couleur blanchâtre dégoûtante. Il était tout fragile, tout lui-même, entre mes mains, il était comme un pantin finalement, mais sans les fils, et je ne jouais pas au ventriloque, je n'ai jamais aimé diriger. Je ne suis pas faite pour ça. C'était autrefois sa tête contre mes seins, qui le réconfortait, ça oui ça réconforterait n'importe quel bébé du monde. Et dans le monde, il y a beaucoup de fantômes et beaucoup de bébés. Et beaucoup de fantômes de bébés, aussi. J'oubliais. Le caresser, tendrement, le regarder, lui parler, en murmures, ça l'apaisait moi je trouvais ça angoissant. Je n'osais pas lui dire. Je n'ose plus lui dire grand chose de ce qui se passe au fond de moi, et je crois que je me comporte de la sorte avec tout le monde. C'est peut-être pour mon bien, instinctivement peut-être que je le vois ainsi. C'est peut-être pour me sauver moi-même, ou peut-être que c'est une méthode pour organiser le chaos qui était de rigueur avant, à l'intérieur. On voit une structure maintenant, hélas. Ou pas.

Ce n'est pas comme si j'allais finir vieille dame à une procession de toute façon. Je lui ai dit : tu te souviens n'est-ce pas, de cette obsession que tu avais ? Tu voulais faire un enfant à tout prix. C'était de plus en plus étouffant pour moi à l'époque et je me laissais étouffer. Tu t'en souviens. Il a fait oui avec son visage. Il est un peu déprimé, à son travail il a eu des remarques de ses collègues et de son supérieur, il n'en a qu'un, le grand patron. Des remarques depuis notre séparation. Il était heureux de revenir à la maison. Je ne sais pas si j'étais heureuse mais j'ai mis ces bougies parfumantes un peu partout, j'ai préparé quelque chose qu'il aime. Comme un militaire. Mon esprit s'est considérablement militarisé ces vingt-quatre derniers mois. Qui sont passés comme quatre jours. Four days. Il a pleuré de joie je suppose, c'était des larmes de quoi ? De soulagement ? Il s'était dit quoi ? Dans son tréfonds, il s'était dit : "elle veut de moi à nouveau, je ne finirai pas seul", ou "elle m'aime encore un peu", ou "elle m'a pardonné". Bien sûr que je t'ai pardonné. Tu sais bien que je ne suis pas catholique, que je pardonne facilement. Mes mains sur son visage rougit par le relâchement, et la frustration retombée. La fatigue partait dans ses larmes, la peur aussi. Il était revenu dans son espace, et il aimait ça apparemment, il aimait m'embrasser et rester contre moi, et moi j'avais qu'une idée en tête, me servir un verre de whisky, moi qui ne bois jamais ou presque jamais. Je t'ai pardonné depuis longtemps, d'ailleurs ce n'est pas ta petite escapade sexuelle qui m'a poussé à te demander de partir un temps. C'était le fait que tu ne l'assumais pas. Je lui ai dit ça aussi.

C'était comme un enfant qui réclamait la vérité. La vérité du moment, c'était son visage rouge et l'émotion qui coulait dans son sang. Chose que je pouvais apprécier, j'apprécie de plus en plus les instants présents. En partie j'ai reçu une partie de la vérité. C'était un jour où j'étais seule, comme une chatte à la maison, et j'avais pris des champignons hallucinatoires pour planer toute seule, parce que j'étais malheureuse et que je voulais oublier que je l'étais. Et j'ai eu des visions, forcément, et ces visions étaient prophétiques. Souvent ces images je les revois, j'y repense, alors que je suis en train de refaire quelque chose, trier le linge sale, téléphoner à mon père, écrire à mes frères, penser à poster les lettres ensuite. Ce fût mon problème pendant des années, comme une demande faite à l'avenir, j'écrivais des lettres à personne que je ne postais pas. Comme des lettres à moi-même, pour me sauver en cirant mes chaussures, être assurée d'être impeccable et prête à l'heure et au moment venue.

Ted, un ami américain de Denis, a vu la Vierge Marie plusieurs fois. Denis, son visage entre mes mains, comme je l'ai raconté plusieurs fois, n'est pas le genre d'hommes à voir la Vierge Marie, ni même à voir  un vortex sur le plafond de sa chambre, comme je l'ai vu, et comme moi j'ai entendu la voix qui en provenait, et ce n'était pas la voix de Dieu. Il y avait cet homme allongé à côté de moi, il avait quelque chose d'anormal mais j'ignorais quoi. Ce n'était pas non plus la voix du Diable que j'ai entendu sortir du vortex, c'était certainement un être qui était entre les deux, je m'étais masturbée quelques heures plus tard, le trip fini, parce que j'avais ressenti le besoin de me sentir en vie, et la masturbation c'est le meilleur moyen de se sentir vivant lorsqu'on se sent seule. J'ai pardonné, j'ai tout pardonné à tout le monde, le coeur n'est plus dans le présent, il est ailleurs. Ted a vu la Vierge Marie la première fois alors qu'il était dans sa cuisine, sa mère venait de mourir, il avait repris de chez elle un crucifix qu'il avait accroché dans sa cuisine donc. Elle était lumineuse et lui souriait. La Vierge n'a rien dit mais il a compris quelque chose ce jour-là -selon lui. Denis n'est pas le genre d'hommes à voir ce genre de choses parce qu'il est le genre d'hommes à avoir envie de faire des enfants qui n'existeront jamais. Pas dans cette vie-là. Je lui tenais le visage comme je l'avais fait des milliers de fois avant, dans des états de jouissance et de peine semblables, et ce jour-là, cette fois-là, c'était comme la toute première fois, c'était magique. Parfois lorsque je suis à côté de lui dans le lit, je regarde le plafond et je le revois encore une fois se dilater. J'ai raconté cela à une amie stupide, elle m'a dit : tu es comme Donnie Darko. J'ai demandé : qui est-ce ? Alors que je savais très bien qui était Donnie Darko, c'était un personnage de fiction.

Ted a vu la Vierge Marie alors qu'il était dans sa voiture, un jour de pluie, dans le New Jersey, et elle lui a évité de faire un accident à une intersection. Il a cessé de pleurer, il m'a embrassée. Je lui ai tout pardonné, parce que je ne suis pas catholique. Et que j'ai de l'amour encore à lui donner. Je crois. Peut-être. On verra. Si la lumière est assez forte. Mais pour combien de temps ? Encore combien de temps avant que Madame Amertume ne se dévoile ? Il n'a pas reparlé de son besoin d'enfant, alors que je l'avais incité à le faire, il a eu peur que cela me fasse peur et je ne veux pas vivre dans ce genre de peurs. Je ne trouve pas cela utile, il existe tellement de forces qui provoquent des remouds artificiels pour effrayer le monde et le secouer un petit peu, pour le faire avancer dans un chemin cahoteux que je ne veux pas m'en rajouter davantage, je ne peux pas en rajouter, c'est au-delà de mes forces, et j'ai tout pardonné, tout pardonné, à tout le monde d'ailleurs, parce que j'ai de l'amour en moi encore et que je ne suis pas chrétienne. De toute façon sa peau est restée douce malgré la quarantaine (pas cette quarantaine-là, pas ce virus-là), il est plus beau qu'il ne l'a jamais été, même si la quarantaine lui est tombée dessus d'un coup, l'asséchant par couches, mais moi je m'en fiche parce que je sais que je ne finirai pas vieille dame à une procession.

De toute façon. 

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4 janvier 2009

Le Business de la psychologie animale

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Je me disais en regardant Thierry embrasser Véronique que peut-être un jour, j'arriverais à être avec eux, et aussi avec les autres qu'ils connaissaient à cette soirée. Ma plus grande difficulté dans la vie fût de me réveiller, pallier par pallier, afin de pouvoir apprécier la chaleur intense du soleil tôt le matin. Mais le soleil est meurtrier et le sera de plus en plus. Je le sais. Je le sens. Je ne peux pas mentir à ce sujet.

Véronique fermait les yeux et ses paupières supérieures tremblaient. Elle devait révulser ses yeux avec même les paupières fermées. Ce que j'ai trouvé inquiétant.

Fatia avait mis un dvd de Florence Foresti, sur la jaquette, Florence est avec un chien, son chien. J'ai reçu un message de Denis à ce moment-là, où il me souhaitait la bonne année, et me disait "je t'aime". Il avait appelé trois ou quatre fois mais j'avais bloqué tous les appels. Mon père a appelé, lui je l'ai pris, lui je l'ai entendu. Il était entouré de gens à des centaines de kilomètres de là. Des centaines de kilomètres de moi, je me sentais plus que jamais, le fruit de sa chair. Et lui me paternait de plus en plus dans la bonne voie, les pères continuent de l'être une fois les enfants adultes, les enfants adultes oui.

J'ai dit à Rachida que Patrick, son homme, était bourré. Que dehors il faisait froid mais qu'il n'y avait pas de neige. Mon frère retrouvé je ne lui parle plus. J'ai peur de l'entendre, de le voir. J'ai la peur qui me noue les viscères quand je pense à lui. Il le sait. Cette distance que j'ai prise, il m'a dit qu'il la comprenait. Que c'était difficile aussi pour lui en ce moment. Pour sa femme également. Qu'on était encore des étrangers l'un pour l'autre. Mon frère, Thomas, n'est pas habitué à lui téléphoner. Il ne lui a téléphoné qu'une fois. Valentin s'est fait à l'idée que Thomas ne voudra probablement jamais lui parler.

Dans le couloir des jeunes hommes déguisés sont passés en trombe. J'ai failli manquer une marche. Elles étaient en marbre, ou en quelque chose de dur. Ce n'était pas du béton armé. Des centaines de gens ont été tués. Aux informations, je regardais ça en mangeant un sandwich. On voyait des femmes et des hommes, des palestiniens gémir sur les routes et le caméraman passait de l'un à l'autre, comme avec une steadycam, c'était très fluide. Très fluide et j'ai eu mal au coeur. Peut-être le goût de la lâcheté qui passait. Peut-être habituée à l'air du temps le mal de coeur est vite passé.

Les grands défenseurs de la vie ont perdu de leur vitalité.

Denis est venu et nous nous sommes enlacés longtemps, sur le canapé et ensuite, une chose en entraînant une autre. J'ai passé mes mains sous son pull. J'ai ouvert son pantalon, arraché la ceinture. J'ai baissé son slip blanc. Tiens, il met des slips blancs maintenant ? Ses yeux sont fatigués, ses yeux sont ridés. Sa lumière dans les pupilles ne brillent plus autant qu'avant. Il est éreinté, la crise de la quarantaine bien entamée, il passait ses mains sur mes seins, peut-être pour lui rappeler qu'ils étaient à lui. Il faisait sombre dans l'appartement. Seules des veilleuses pour nous garder de faire cela sans préservatif car je ne prends plus la pilule depuis son départ. C'est chiant la pilule. Il a longtemps, très longtemps, joué de sa langue sur mon sexe qui s'ouvrait comme une rose, pallier par pallier. Le désir coulait dans mon âme comme de l'eau dans un tuyau d'arrosage. Oui, il y avait cette ampleur pompeuse dans nos actes. Dans le moment. Je n'ai pas cherché à lutter contre.

Je repensais aux bouches de Thierry et Véronique. Rachida était là, pas la vedette de la politique, mon amie. Valentin a quand même envoyé un message sur mon portable. Valentin je préfère ne plus le voir. Je pensais à lui quand Denis dégustait mon sexe. Et je pensais aux bouches de Thierry et Véronique. Une de ses amies à Véronique, homosexuelle, très jolie, disait : c'est tellement mieux sans les hommes. Et je recevais en même temps le message de Denis, pour la bonne année. Tout cela. Tout ce travail. C'est tellement mieux sans les hommes, ça c'est vrai mais je dirais même plus, je dirais que c'est tellement mieux sans les hommes et sans les femmes.

Les palestiniens ont une façon télégénique de souffrir et les Israëliens ont une façon télégénique de légitimer leur propre souffrance. Comment un couple Palestino-Israëlien fait-il dans sa cuisine pour ne pas s'envoyer des patates chaudes dans la gueule, pousse- toi donc de mon chemin dit la femme palestinienne, tu encombres mon territoire près de l'évier. Le mari lui rétorque : non ce bout de terrain est à moi femme, Denis a fini par me pénétrer, je le suçais depuis longtemps et il mouillait, il ne voulait pas jouir dans ma bouche et sur mon visage tout de suite. Il avait envie de retenir. Pour lui, ça n'a jamais été un manque de respect comme avec d'autres hommes. Lui, il éjacule sur le visage et dans la bouche par amour et cela se sent, sinon il ne le fait pas.

Les femmes à terre avaient des voiles. Et les hommes des barbes. Et les gens dans la rue étaient contents, mais moins que l'année passée, je m'en souvenais. Je ne m'en souviens plus très bien à présent. J'ai l'air d'appartenir au vivant. C'est déjà ça.

J'ai rappelé mon père qui écrivait une lettre à mon frère Thomas. Une lettre à coeur ouvert, avec des paragraphes, pour bien aérer le texte, il faut penser, un tout petit peu, à ceux qui lisent quand même. C'est dur de se faire comprendre, de communiquer sinon.
Mon père a demandé si je souhaitais lui transmettre un message et j'ai pensé : "oui, dis-lui que c'est un sale con" et j'ai dit : "oui, embrasse-le très fort pour moi et dis-lui de me donner de ses nouvelles". Quand j'ai pensé sale con, j'ai entendu Carla Bruni à la radio, parler avec sa voix étrange, comme si elle manquait de souffle. Elle doit faire de l'asthme ou quelque chose.

Ses caresses étaient comme une explosion à Gaza. Des femmes avec des voiles par terre qui gémissent et la caméra qui va d'une victime à l'autre. Elles bougent au ralenti. Aucune pudeur, tout ça pour qu'on puisse le savoir ici avec nos sandwichs.

En même temps, la pudeur quand on s'entretue sans savoir se parler. S'écouter. Trop d'histoires, trop de douleurs séparent les deux territoires, c'est bien pour cela qu'il dégustait mon sexe avec lenteur et ardeur. C'était fort. C'était comme de l'eau en puissance dans un tuyau d'arrosage. Le désir. La sensation. Je n'aime pas l'abandon, même de soi, dommage pour moi. Bonne année Nicolas, j'espère que tu vas bien.

Le message de Valentin était taciturne. Avec l'habitude, même derrière des mots aussi neutres que "très bonne année 2009 et que les meilleures choses t'arrivent", on sent la gêne, ou l'hypocrisie, ou alors la tristesse, ou quelque chose. On sent derrière les mots. Les yeux. On sent qu'il y autre chose. On ne s'arrête pas à la première frontière de l'apparence. L'esprit va plus loin. L'esprit va plus loin que sa bouche dévorant mes lèvres gorgées de sang. Bien sûr, l'esprit va plus loin, plus loin que la fin d'une relation amoureuse. L'esprit va bien plus que les fusées. Tous les types de propulsion, même la MHD. Et on sent derrière les yeux. Que c'est un monde différent.

Que j'aime voir le monde souffrir, et demander de la souffrance en plus, s'injecter sa dose, que j'aimais faire pareil avant. Cela m'est passé. J'ai résisté, en quelque sorte. De momie je suis passée Nymphe. Je ne l'ai pas souhaité. Ce sont ainsi que les choses se sont passées. Elles auraient pu se passer autrement. J'ai vu qu'il y avait un monde différent derrière ses yeux, son visage. Et sa bouche sur mon entrejambe. Je mettais mes jambes autour de sa tête, comme souvent et comme il aime que je le fasse. Si nous couchons encore ensemble, bien que séparés, c'est que c'est peut-être bon signe. Elodie m'a dit : "tu le vis très bien, moi je serais dévastée si je devais me séparer de Loïc".

Le business de la psychologie animale.

Mais bien sûr que non. En réalité, tu n'en sais rien. Attends que cela t'arrive. Attends encore un peu. Avec de la chance, tu verras que finalement, tu encaisses mieux que tu ne l'aurais imaginé. Finalement, tout s'est bien terminé. On va se dire ça. Il faut se dire ça. La pénétration était chaude aussi et délicieuse, et ensuite plus loin, beaucoup plus loin dans le temps, je l'ai regardé dormir, quand je pense qu'à de nombreuses reprises, j'aurais pu lui briser la nuque entre mes cuisses.

Je le caressais il dormait, cherchait ma compagnie. Je le caressais en me disant : ça, ce sont ses doigts. Epais, longs, et forts. J'aimais ses doigts dans ma fente autrefois. Dans les nerfs de mon cœur, moins. Après tout je suis encore jeune, encore très jeune, j'ai le temps de voir venir. J'ai le temps de voir passer. On a le temps de voir mourir et repasser. D'autres frappes et d'autres caméras avides peuvent arriver. Demain, après-demain. On verra bien. S'il y a un après-demain. Tu n'en doutes pas, n'en doute pas une seconde. Il dort comme un bébé.

J'étais plutôt bien et heureuse d'être seule à ce jour de l'an et j'en étais presque gênée. J'ai profité des victuailles et j'ai bien dormi ensuite. J'ai fait des rêves. J'étais sur le Titanic, il faisait nuit et le Titanic coulait. Je tombais à l'eau avec des centaines d'autres personnes. Des alligators arrivaient pour nous dévorer mais j'étais confiante, pas du tout terrorisée. Je donnais un coup de poing dans la mâchoire d'un alligator et ensuite je remontais sur une barque. Je voyais ensuite l'immense Titanic couler pour de bon. Nous cherchions notre chemin sur l'eau en pleine nuit. Les gens pleuraient leurs morts. Ceux qui avaient survécu avec moi dans la barque. Le ciel petit à petit s'illuminaient d'étoiles. Des étoiles merveilleuses. Celui qui ramait disait : ce n'est pas normal. Elles apparaissent seulement comme ça ? Maintenant ? Ne sont-elles pas en retard ? Il me regardait. Nous arrivions sur la terre ferme. Dans le rêve, une ellipse ultra-rapide de plusieurs mois m'indiquait que j'étais retournée à l'université. L'un de mes profs était mon oncle. Nous nous entendions bien. Notre passé n'influençait en rien nos relations actuelles. J'avais rendez-vous avec lui dans un café mais c'était devenu une sorte de restaurant. Il me disait que notre relation devait rester secrète. Je lui disais : elle l'est. Le serveur venait nous apporter des pâtisseries délicieuses et je me régalais. Encore et encore, c'était vraiment un bonheur que de goûter à toutes sortes de pâtisseries plus belles les unes que les autres.
Mon oncle me disait ensuite qu'il devait partir pendant plusieurs mois, pour découvrir des temples en Afrique. Des temples de la plus haute importance. Je lui disais : "mais ce qu'on fait ensemble, ça ne t'enlève pas le droit de découvrir de nouvelles choses ?" Et lui de me répondre : "non". Nous nous enlacions de manière très tendre. Pas du tout sexuelle et passionnée, très posée, très tendre, très lente, très attentionnée. On se touchait à peine. Il partait.
Je me réveillais dans mon appartement. Je voyais mon réveil qui projette l'heure sur le plafond, je le déteste ce réveil d'ailleurs. L'heure était 23 H 43. Dans le noir je traversais le salon et j'allais boire de l'eau dans la cuisine. Mon portable sur la table s'illuminait. C'était Denis. Je ne décrochais pas. Et là ouvrais les yeux pour me réveiller vraiment.
Quinze minutes plus tard, Denis m'appelait. Je voyais mon portable avec son nom dessus. J'avais envie de ne pas décrocher. Comme je l'avais fait dans le rêve, je l'avais ignoré son appel. J'ai décroché.
- Bonjour et bonne année ma puce, je voulais te réveiller pour t'embrasser. Je souriais tristement, je voyais mon reflet dans le miroir de la grande armoire.
- Bonjour Denis, et bonne année (ma voix sonnait artificielle). Comment s'est passé ton jour de l'an ?
- Bien, j'étais avec BIP et TRUC et MACHIN, et mon fils. Est-ce que je peux passer aujourd'hui à l'heure du thé ? J'apporterai des pâtisseries. J'en profite parce que dans deux jours c'est la reprise du travail.
- Euh... Oui. (j'ignorais qu'on allait faire l'amour à son arrivée, les pâtisseries dans le rêve, c'était mon sexe dans sa bouche et le sien dans la mienne). Viens vers seize heures, ça te va ?
- Ok d'accord... Je suis encore en peignoir, je traine.
- Et moi je suis allongée au lit, avec mon MP3 sur les oreilles.
- Tu écoutes quoi ?
J'ai cliqué sur mon téléphone et le message de Valentin est apparu sans le vouloir, j'ai relu vite fait " et que les meilleures choses t'arrivent". Avec mon reflet dans le miroir.

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26 décembre 2008

Run

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Chacun recèle en lui une forêt vierge, une étendue de neige où nul oiseau n'a laissé son empreinte.

Virginia Woolf, De la Maladie


Texte non relu.

Il est venu me dire qu'il pense à moi, que parfois, mon silence l'inquiète, parfois lui est douloureux... Mais c'est ainsi. Les chemins se tracent loin des hommes, loin des souvenirs. Loin de ce qu'ils en pensent tous. Il te manque. Il te manque beaucoup. Trop proches des femmes, et des mémoires inutiles. Nous ne sommes que des vers. Vous trouviez que vous aviez un nom nouveau, et bien pas du tout, c'était une erreur. Fondamentale. C'était une illusion, une de plus, un nouveau nom, depuis le temps qu'on essaie de changer de nom, pourquoi pas changer de sexe en plus, pourquoi pas de costume. Changeons les costumes qui grattent au col, et nos façons de faire Marlène Dietrich, tout va bien Madame la Marquise, tout va très bien. Tout ne va pas si mal que ça. Les politiques sociales sont là. Tantôt l'inquiétude, tantôt la douleur, tantôt l'amour, tantôt le soufre, mais c'est ainsi. Les chemins se tracent loin des agitations des hommes qui détiennent les meilleurs rôles. A quoi pensiez-vous avant d'entreprendre un changement de nom ? Un prénom autre. Un silence autre. Ce silence est une source de chaleur. Tel un soleil. Il fait vivre mes fleurs. Ouvre mon ventre, tu comprendras, oublie tes souvenirs, ils n’étaient là que pour te retenir de toute façon. Telle une ligne continue, comme votre naissance, votre mère vous portait en se disant : les yeux d'un ange. C'est un ange. Votre mère est morte. Pour toujours. Elle était déjà morte, quelque part, avant votre naissance. Et pas la peine de crever l'écran de la réalité, pour s'apercevoir de ce fait. C'est irrémédiable. Ce le fût. Vous avez beau caresser le corps de cet homme, votre mère est définitivement morte, et vous avez beau acheter des fruits au supermarché, penser à ce vague à l'âme de ceux qui ne sont pas fait pour porter des costumes, qui grattent sous les bras. Ajustement injuste, je vois. Elle est morte. Non ce n’est pas juste. Non, ce n’est pas juste. Ce n’est pas que ce n’est pas juste, c’est juste que c’est… ainsi. Il y aurait une autre façon de vouloir plus de justice, pour vous-même, ce cœur en grippe. Vous faites trop souvent votre Marlène Dietrich, et tout ne va pas bien Madame la Marquise, non tout ne va pas bien. Tout ne va pas bien en dehors de votre milieu social Madame la Marquise, vous ne me dites pas que vous pensez à moi, que parfois, mon silence vous inquiète, et que parfois, il m’est douloureux. Mais je voudrais lui dire qu’il ne doit pas être inquiet pour moi. Qu’en dépit de l’horreur, des ténèbres, qui ne viennent pas de moi, parce que moi ça va, je vais bien. Je crois. J’ai des fleurs à l’intérieur, qui brûlent mais ne se détruisent pas. Je ne sais pas si c’est juste. Je n’en suis pas certaine. Je me trompais souvent, vous vous en souveniez. Je me comportais comme une adolescente. Un démon, alors que je n’étais pas un démon, pas plus un ange. Amoureuse d’un homme de mon sang. Ce n’était pas un ange, seulement aux yeux de sa maman. C’était un démon, avec le cœur d’un homme. Fort comme un lion, déterminé comme une bête assoiffée de sang, une bête à plusieurs têtes. Dans les livres ça existe. C’est mieux de regarder tomber la neige seule. Par la fenêtre, avec un thé aux mûres sauvages. Loin des souvenirs du couple, loin des hommes qui se tracent seuls. Il me manque. Il me manque beaucoup. Mais je me sens libre à nouveau. Libre d’ouvrir une narine en appuyant sur l’autre. J’entends de l’eau couler quelque part et je me sens bien, c’est une source qui vient de naître. Ouvre mon ventre pour voir si la couleur est la bonne, si l’odeur te plaît. Loin de tes chemins. Nos chemins ont pris des virages abrupts. Tu ne trouves pas ? Mes mains ont été emprisonnées dans le rythme de la Capitale, en lettres majuscules, non tout n’est pas si injuste, non bien sûr seulement la petite partie qui se trouve de ton côté dans le miroir. Surtout ne nous retournons pas, on ne sait jamais, il pourrait réapparaître. Avec son rasoir. M’embrasser dans le cou, et me dire que je sens bon, qu’il adore mon odeur, on aime pas les odeurs de tout le monde, j’ai eu souvent du mal avec les odeurs de certains blancs, ainsi que certains arabes, ainsi que certains roux, et bien sûr, certains noirs. J’ai toujours eu du mal. Et on ne va pas changer de costume comme ça, en moins de deux, c’est pas comme cela que ça se fait, la peur de le voir surgir c’est une peur déraisonnable, en même temps, j’ignore ce que ça fait que de ne pas avoir peur. Voilà le chemin, loin des hommes, ou trop proche, malheureusement, que je peux faire, j’ai toujours eu peur et loin des souvenirs des hommes, j’ai toujours eu du mal. Et le pire c’est que les autres, beaucoup d’autres sont trop occupés avec leur propre peur pour s’attarder sur la mienne. Et je n’ai pas envie de crever l’écran de la réalité pour te donner mon cadeau. Non. Madame la Marquise en deviendrait marteau, tout n’irait plus très bien, elle essaierait des choses qu’il vaut mieux se contenter d’imaginer. Elle est dangereuse. Les personnes dangereuses sont à éviter, dans la mesure du possible. Je sais tout à fait de quoi je cause, je l’ai été, dangereuse. Dangereuse comme la mort, écrase les insectes verts dans ton jardin, ça sent le rance à mort, c’est une odeur qui te fait pleurer et qui te dégoûte le nez, et tu n’as pas envie d’avaler. Ces insectes bourrés de protéines. A la prochaine Saint-Valentin, peut-être reviendra-t-il. Me dire « c’est bon maintenant, je peux revenir ? ». J’en avais marre. Mon cœur est jeune mais très vieux à l’intérieur, il faut que je fasse attention. J’ai toujours voulu mourir jeune, mais je n’ai jamais voulu revenir à la vie juste après, c’est dommage. Nous aurions pu faire les chemins avec les hommes. Et leurs souvenirs auraient pu être plus beaux. Ou moins moches. Et leurs prochains souvenirs pourraient s’avérer amusants et drolatiques si toi et moi œuvrions pour une cause. Pas notre chemin, même si j’avance en mon nom propre (mais quel est-il réellement ?). Dangereuse, c’est Serpent qui ne se mord pas la queue pour faire joli, dangereuse comme ces femmes qui te tournent autour, être seule a des avantages, surtout quand on l’a voulu. C’est vraiment très agréable un grand appartement pour un seul corps. On peut essayer des costumes. On peut traîner nue dans les pièces. On peut faire semblant d’être morte dans le canapé. On peut laisser libre court à nos hystéries, et on peut se sentir malheureuse comme les pierres, et on peut manger à l’heure qu’on le souhaite, on ne doit rien à personne, et ensuite on peut dire aux autres : « c’est trop bien d’être seule, toute seule ». Tu sais, je suis seule, mais lui aussi il pense à moi. Il n’en revenait pas de fêter Noël chez son ex-femme et son nouveau mari, avec leur fils. Son fils m’aime bien. Je ne l’aime plus ce gamin. Autour je ne sais pas, il y a des grands jardins, son ex-femme n’a pas épousé n’importe qui. Mais moi je ne suis pas n’importe quoi. Je dis juste n’importe quoi. Tu crois ? Il est seul lui aussi après tout. Il pense à moi lui aussi, comme toi. Loin des chemins des hommes. Qu’est-ce que c’est, finalement, le chemin des hommes ? Des hommes qui dominent d’autres hommes, et qui sont eux-mêmes dominés par leurs propres solitudes et hystéries en tous genres. On aurait pu avoir des visages moins moches. Blonds aux yeux bleus, ç’aurait été parfait, je ne sais pas, en apparence, c’est mieux. On dirait. C’est mieux que les visages des chats gris, j’adore les petites têtes de ces animaux, je disais zanimaux quand j’étais enfant. Aujourd’hui je suis dans un grand appartement et j’étais heureuse, seule, et lui non, il m’a téléphoné. On se parle mieux au téléphone. Moi je ne supportais plus sa crise de la quarantaine. Je ne supportais plus trop et moi je suis encore toute jeune, j’ai de la chance, la ligne continue n’est pas terminée. Pas encore. Elle peut se terminer demain, je ne dis pas, je ne me vante de rien. Mais j’ai de la chance. J’ai toujours eu de la chance dans ma vie. Une chance énorme. Comme beaucoup de ces hommes, aux chemins cahoteux, il m’est arrivé de me sentir protégée par des forces supérieures. Nous aimons tout ce qui nous est supérieur, c’est rassurant quelque part, d’avoir des hiérarchies. Les enfants adorent. Ils comptent, du meilleur au moins bon. C’est pour ça que je n’ai pas eu d’enfants encore, parce qu’ils adorent l’ordre, ce qu’ils savent moins c’est que leur désir ne provoque que du désordre. Au final. L’ordre est une invention de l’esprit, une méprise. Denis adore l’ordre sous son désordre apparent. Pas étonnant qu’il soit dans cet état là. Remise en question de lui-même, de nous. Nous avions un « nous » avant. Il est toujours d’actualité, mais ce n’est plus pareil. J’ai perdu de vue son intérêt, son goût. C’est vrai, de puis la bombe atomique, ce n’est plus pareil. Ces chemins ont changé de trajectoire. Tu devrais t’inquiéter de cela. Regarde mieux. C’est toujours mieux par téléphone. Même s’il faut payer, non c’est vrai c’est illimité. Les amis m’ont tous envoyés leurs vœux par sms, sauf certains, dont un ami musulman qui fête Noël parce que pour lui c’est important Jésus Christ. Alors que moi si je l’avais en face de moi, il se pourrait bien que je lui mette deux gifles, voire plus, comme Björk a fait avec certaines journalistes, en leur tirant les cheveux violemment, en tirant sur leurs vêtements. Comme elle, je n’ai pas eu à changer de nom, même si j’ai oublié comment je m’appelais avant. Je crois que je dois avoir une mémoire sélective. Comment c’était avant déjà ? J’ai bien peur d’avancer à reculons, les yeux bandés vers un futur qui de plus en plus me met mon passé à la figure, et je ne veux plus de ça. Je l’ai déjà trop vu ce futur-là et il n’a rien de gai, je ne peux pas le regarder à nouveau. Je ne veux pas non plus reprendre de ces champignons hallucinogènes délicieux qui m’ont bien aidés lorsque je suis arrivée ici à Paris. Je ne peux pas. Mon cœur réserve le meilleur de ses lettres à des autres buts, funestes j’ai le sentiment, heureusement je ne le mets plus ici. Oui, loin des hommes, loin de leurs autoroutes, de leurs chantiers, de leurs chemins à peine empruntés, loin de leurs escales, loin de leurs gares, loin de leurs regards. Qui ne me dit rien qui vaille, Marquise, rien du tout. J’avais le numéro de R. sous les yeux, Marquise et j’ai failli lui passer un coup de fil, pour lui demander pardon de mon ingérence, de mon indélicatesse, de l’avoir repoussé si vilement. Je voulais qu’il m’écoute, et j’avais envie de m’excuser, non pas parce que je me sentais fautive, mais parce que j’avais envie de le faire tomber dans un piège, mon piège. Il connaît mon putain de nom, et cette personne n’est pas n’importe qui. Avec lui, je me suis enfoncée dans des marécages douteux. Et pour la première fois, sans vraiment ressentir de honte. Cette honte de bonne sœur vous savez, par Dieu elles se sentent épiées même quand elles font la plonge. Ce qui est absurde quand on y pense, ou alors Dieu est sadique, voire un connard patenté. Bref. Robert j’avais son numéro sous le nez, encore. Je ne sais plus comment, parfois Dieu vous cligne de l’œil, à vous, quand vous écrivez, de lui mettre votre stylo dedans, pour y déverser toute votre encre, le bateau est trop lourd pour ce genre de costume. On s’en fiche du reste, on s’en fiche de ceux qui cousent leurs paupières. Et bien je n’ai pas cédé, je n’ai pas appelé. Robert est avec les hommes. Loin de moi, loin de mon miroir. De quel côté il faut regarder ? Dans le Nord, j’y étais tellement malheureuse mais le pire c’était ici, à Paris, j’y suis tellement malheureuse, finalement. Mais je supporte tellement bien ce mal-être, je n’avais plus de force depuis longtemps, et pourtant j’ai tout encaissé, comme quoi il n’y a rien qu’on puisse vivre qui ne peut être supporté, même le plus atroce, même le plus étrange. Et j’ai tué le Grégor Samsa, alors je peux le dire, le plus atroce, le plus étrange, le redire. Et tu étais encore il y a peu le seul qui vaille qu'on l'attise, qu'on ne l'éteigne pas, tu me maintenais en vie, depuis ces dernières années, je le pensais, tu étais ma meilleure idée, l'inespérée, tu étais celui qui me faisait jouir, dans le bon sens du terme, de la vie. Et je le pense toujours mais j'avais tout de même, ici, dans Lutèce, besoin d'un peu d'air, avant d'étouffer sous les boules de feu de ta rancœur, que tu auras forcément à mon égard, tôt ou tard. Tu te dis : "non, moi jamais je ne pourrai te détester". Mais détrompe-toi. Tu le pourras et tu le feras. Tu le feras, crois-moi, je le sais. Je ne peux pas te dire comment je le sais. Je sais beaucoup de choses. Tu n'es pas le seul à qui je manque. J'ai beaucoup de silence pour beaucoup de personnes. J'ai tellement de silence pour les autres que cela me fait peur parfois. Et avoir peur moi je connais sur le bout des doigts. Et les autres sont trop occupés avec leurs propres peur à piano pour regarder la peur globale, tu la sens ? Non bien sûr, parce qu'elle cogite, elle s'agite. Avec tout ce qui existe, le reste, elle n'est pas toujours la plus forte, souvent quand même, je ne sais pas trop en fait. Il faut que je comprenne comment le feu fonctionne. Et j'avais besoin de te mettre avec les hommes, loin de mes chemins. J'ai failli écrire chimères. Chemins bien sûr. Il fallait que je te mette là. Loin, très loin, pas trop loin mais très loin en même temps. Pour pouvoir boire un bon thé aux mûres sauvages. Seule dans un grand espace vide. A penser à ces êtres qui sont très contents : "ah oui moi j'adore la solitude". Et en fait ils pleurent lorsqu'ils se couchent. Et puis un jour ils arrêtent de pleurer, les pleurs se font silencieux. Le cœur effectivement, s'habitue pour de vrai. Je connaissais un homme, il est mort d'une crise cardiaque un bel après-midi d'août, il était marié et il avait beaucoup d'amis et tout le monde pensait que c'était un homme bien, alors qu'en fait c'était un homme bourré de défauts et qui faisait du mal aux autres, à certains autres, et bien il avait beaucoup de monde autour de lui, et il était très seul. C'est même étonnant qu'il ne se soit pas donné la mort plus tôt, enfin, il ne s'est pas donné la mort, c'est la mort qui s'est donnée à lui. Un bel après-midi d'août. Il y a parfois une justice sur cette planète, mais malheureusement pour la trouver il faut aller loin, très loin, trop loin du chemin des hommes. De leurs autoroutes. De leurs gares. De leurs escales. De leurs points informations quand on est en voiture, sur le chemin des vacances, et qu'on a plein de sang sur les mains, du sang invisible qui pèse des tonnes, des tonnes, des tonnes. En août, ça fait mal, comme des couteaux permanents dans les bras, et comme les règles le sang il coule, ça ne fait pleurer personne, pas le beau monde (Terre) en tout cas. Tout ce sang et cet être en soi, qui rote et qui pète dans ses excréments, avec ses yeux injectés de sang et sa peau jaune à cause de son foie, qui ne fonctionne pas. On ne croirait pas, Denis, avec mon corps, mes seins que tu aimais téter, et mon sexe que tu aimais bouffer, tu n'imaginais pas à l'intérieur de moi cet être-là, et tu n'imaginais pas du tout qu'il était aussi en toi. Un homme et une femme c'est souvent pour soutenir la pourriture, rien d'autre, pour maintenir les choses telles qu'elles étaient. Oui, il faut aller loin des hommes, pour ce bout de justice-là, mais ce n'est pas grave mon amour, car c'est bientôt la Saint-Valentin. Tu lui manques énormément, tu lui téléphones tout le temps, tu lui dis "c'est quand que je reviens à la maison ?", mais ce n'est pas grave mon amour, pour toujours... C'est bientôt la Saint-Valentin et, bien sûr, le Jour des Morts.

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10 novembre 2008

Les Autres Hommes

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Il m'a avoué son aventure là-bas aux Etats-Unis. C'était bien avant qu'un noir, un métisse selon certains, ne se fassent élire. Même si c'était couru d'avance, ont dit ces mêmes certains, après l'élection. Ils ont besoin de tout contrôler. Lui aussi. Son coeur qui ne fonctionne qu'à moitié, et peut-être le mien qui ne fonctionne plus depuis trop longtemps. Depuis, il me dit qu'il ne mérite pas mon pardon. Je lui ai dit : je te pardonne. En pouffant de rire presque. Ce n'était pas vraiment amusant et je n'étais pas exactement amusée par son aveu. C'était juste qu'il croyait me faire un aveu. Mais j'avais fait des rêves qui ne trompaient pas, bien avant qu'il ne me le dise, et peut-être même bien avant qu'il ne le fasse. Il dit "tromper". Il dit "une erreur". Il dit "j'ai eu tort". C'est mon coeur qui est mort. Il se trompe, c'était une vérification, juste une vérification et moi je n'avais que ça au fond de moi : l'envie qu'il dégage. Si je suis honnête. Je suis au moins autant responsable que lui, si ce n'est plus. C'est difficile d'être honnête avec soi-même. Si nous l'étions tous, nous ne passerions pas à côté de nos vies. Ou notre temps sur internet lorsqu'on a pas le temps. Le temps d'une aventure. C'est triste à dire mais j'ai failli pouffer de rire. Je souriais. Je l'ai dit, déjà. Il se répète aussi. C'est une belle farce du temps où depuis quelques jours, quelques semaines, quelques mois, je suis à l'intérieur de moi, dans une sorte de forteresse. Que personne ne pourra prendre. Personne. C'est pour ça que je le laisse me caresser encore et il ne comprend pas. Il penserait que je lui ferais une scène, comme ces femmes hystériques qui pensent que les mecs qu'elles aiment et qu'elles baisent sont à elles. Et bien non. Leurs queues ne nous appartiennent pas. Et que Dieu m'en préserve, Sarah.
Je n'irais pas dire du mal de ton homme, je regarde d'abord le mien, il fait sa crise de la quarantaine. Il a toujours été en crise. Je pense qu'il pense souvent au suicide, je pense qu'il ne se l'avouera jamais à lui-même. Lorsqu'il me prend, je sens tout son corps tendu vers cette pulsion de mort, cette idée de mourir, qui recouvre tous les êtres un jour ou l'autre. De manière pragmatique ou non. Je ressens ça à Paris. J'ai envie de retourner dans ma campagne parfois, comme à l'époque où j'ai commencé ce blog. J'étais en fuite. Je fuyais les autres et les bombes, je passais entre les gouttes de pluie qui ressemblaient à des gouttes de plomb fondu. Je faisais de mon mieux pour tenir, ce que je ne supportais pas. Je le supportais tout de même. J'ai toujours eu en moi un résidu de force éternelle, comme le plutonium. Je suppose que c'est ce qu'Adam et Eve ont perdu du temps jadis. Ces connards auraient mieux fait de ne pas frétiller de la langue, jamais.
Il me touche dans le lit. Il me demande la permission. Je me suis mise sur lui, et je l'ai embrassé. C'était un baiser entier, complètement offert. Sa langue qui pénétrait ma bouche, la mienne aussi. Il était surpris. Je voyais bien. Il m'embrassait les yeux ouverts. Les gens qui embrassent avec les yeux ouverts ont l'air con. Et parfois, ils ont la chanson qui vont avec. C'est une chose que je trouve, personnellement, ridicule. Adam embrassait-il Eve avec les yeux ouverts ? Comme un abruti ? Combien d'abrutis font la même chose à l'heure où j'écris ces paroles ? Il m'a repoussée un peu en me disant : "attends, je me sens pas bien". Pauvre petit. Ils se sentent pas bien, ils ont quarante ans passés, ils se sentent pas bien, on peut se sentir mal passé la crise de la quarantaine. J'attends mon tour. J'attends mon tour et toi aussi, tu attends ton tour. Il m'a dit : "pourquoi tu n 'es pas en colère après moi, pourquoi tu m'embrasses comme ça, qu'est-ce que... ça veut dire, je comprends pas". J'ai dit : "je t'ai pardonné. Peut-être que tu aurais aimé que je pleure pour ta petite aventure et que je te fasse une crise toutes les cinq minutes ? Mais non. Je ne suis pas comme ça.". Lui : non, c'est juste que tu ne sembles pas en souffrir. C'est étrange. "Non je n'en souffre pas" j'ai dit.
- Comment ça tu n'en souffres pas ?
- Je le savais. Je le ressentais.
- Tu le ressentais. Tu ressentais que je te trompais.
- Mais peut-être que tu ne me trompais pas réllement. Peut-être que tu avais besoin de sexe, juste. Et tu ne dois plus y retourner aux Etats-Unis pour l'instant. Je ne pense pas avoir des raisons de m'inquiéter.
Il était perdu. Il était en dessous de moi. Il me regardait, inquiet et je savais ce qu'il me disait. Je me trompais certainement, mais je savais les petites pensées, les petits mots qui jaillissaient dans son esprit comme des étincelles. C'était beau à voir, tout ce doute, toute cette peur, toute cette appréhension de demain dans ses yeux. Parce que j'avais envie de lui dire : "tu ne devrais pas avoir peur de demain". J'ai dit à la place :"Maintenant, embrasse-moi. S'il te plaît".
Alors il s'est redressé et il m'a pris par les épaules, il a commencé à me déshabiller et je sentais ses mains sur mes seins et sa bouche devenait de plus en plus chaude et de plus en plus meilleure, comme au tout début, quand on a commencé à se rencontrer à l'époque où je vivais à la campagne et où je me voyais déterrer les ossements de mon oncle. Ce qui me fait peur aujourd'hui, c'est que j'y pensais sérieusement. Et que j'aurais été capable de le faire. Nous sommes capables de tout. De jour comme de nuit.
Pour lui, j'étais revenue ici à Paris et c'était un signe. Que lui parvienne à me faire revenir. Et que je tienne. C'était certainement un signe. J'étais contente. Jacqueline aussi c'était un signe, même si parfois, elle avait le regard un peu malsain, elle aurait aimé que je lui parle de ma vie sexuelle un peu plus, juste pour revivre la sienne par procuration. Mais je ne lui en voulais pas à cette vieille femme.
Je me suis assise sur son pénis que je connaissais bien. L'odeur, le goût, l'émotion que cela me faisait de l'avoir en moi. C'était comme de l'avoir pour la première fois. Il m'exaspérait ces dernières semaines. A me baiser comme un sauvage sans que je réussisse à ressentir quoi que ce soit. Et là, il était doux, affectueux, il retenait ses larmes, il retenait tout, son sperme aussi. Il m'embrassait. Ses mains sur mes seins. Et je me disais sans cesse : je suis à Paris, je suis encore à Paris. Et je le fais, je fais l'amour, et je le fais dans la bonne direction, avec celui que j'ai choisi, celui que j'ai choisi et qui me veut, même s'il avait besoin de sexe aux Etats-Unis. Je le regardais culpabiliser, en me faisant l'amour, il était en moi, il était capturé et mon vagin n'était pas aussi ouvert que d'habitude, je voyais bien l'effet que ça lui faisait. L'intensité ne faisait que monter en puissance. Il me regardait comme un enfant qui avait fauté. Un enfant qui se serait crû mauvais alors qu'il n'aurait fait que torturer des fourmis.
Il aimait, de plus en plus et tout se faisait de plus en plus calmement et il pleurait enfin, et ses larmes l'empêchaient de parler. Il était beau. Je l'avais trouvé moche pendant cinq ou six mois et là il était beau, à nouveau et jouir avec lui c'était redevenu bien, et beau aussi, cela aussi était beau, comme lui, et c'était devenu mon chemin, enfin, je retournais sur des rails qui n'étaient pas sabotées. C'était bon. Et il était chaud en moi et chaque moment, chaque seconde se vivait pleinement. C'était comme prendre ces maudits champignons hallucinatoires l'hiver dernier, mais en puissance dix. Et puis il est venu une première fois. Et moi j'ai joui presque au même moment, c'était rare. Quelque chose dans l'invisible avait éclaté au niveau de mon sexe et de ma tête en même temps, et j'ai dû avoir l'air moche, j'ai ouvert les yeux vers le plafond, grands ouverts, et je les ai refermés et ensuite je l'ai vu pareil, les yeux fermés, la bouche ouverte et je l'ai embrassée. Sa bouche si désirable. Et c'était bon. C'était beau. Oui, cela pouvait être beau, cela arrivait parfois dans une vie.
Il m'a dit qu'il m'aimait et qu'il avait peur que je m'en fiche. De ses erreurs. Je lui ai dit que je savais de quoi il avait peur. Il m'a dit que j'étais une fille extraordinaire, avec toute cette merde que je trainais dans ma valise. Que j'étais quelqu'un d'immense. Ce genre de compliments je l'avais déjà entendu, et je l'avais toujours pris pour de la flotte. Ils me rendaient encore plus seule. Encore plus loin. Encore plus différente. Alors que la différence, ça n'est que le destin, modulable à l'infini. Comme Mars ne ressemble pas à la Terre et comme Mercure a des propriétés uniques dans notre système solaire. Ce n'est pas compliqué à comprendre. Il avait peur, mais il avait toujours eu peur et moi j'avais fuit la peur, en étant une louve solitaire, blanche peut-être, mais aux pattes sales, de boue glacée certainement. Je lui ai dit qu'il ne m'appartenait pas. Il a dit : "je croyais que toi comme moi on croyait à la fidélité". J'ai répondu : "y croire n'empêche pas de se tromper". Bien sûr et il me caressait les fesses et les jambes. Et le corps. Ce corps était là, je le sentais bien, c'était le mien. Le sien était là contre moi, je l'avais toujours senti. Je le sentais encore mieux maintenant qu'il m'avait dit ce qu'il avait sur le coeur.

J'ai pensé : "peut-être faut-il que je lui dise". Mes résidus de fausse couche personnelle. Ce truc avec Robert. Ce truc débile. Faut être débile pour parisianiser son esprit de la sorte. Et pour inventer des mots qui n'existent pas vraiment. Etre humain, c'est prendre le risque de virer de l'intelligence à la débilité sans cesse, je le caressais aussi. Sa queue était à moitié dure. Je caressais ses testicules, lourdes et imposantes, et bien rattachées dans un scrotum épais, pas du tout tombantes, c'était moche les couilles tombantes, je m'en souvenais vaguement. Celles de Robert n'étaient pas tombantes mais son pénis était biscornu et j'y avais pensé quand Denis m'avait fait le plus beau des sourires. Son visage marqué par les traits de la culpabilité. Je lui ai demandé s'il avait envie d'autres femmes et il m'a dit : "j'ai fait ça parce que j'étais alcoolisé, je me cherche pas d'excuse. Mais non, je n'ai pas envie d'autres femmes". Je lui ai demandé comment elle était. Il trouvait ça inapproprié. Il trouvait que j'exagérais. Il pensait que je voulais le torturer. Je lui ai dit : non, ce n'est pas ça. C'est pas du tout ça, c'est une question de curiosité. Est-elle si déplacée que ça ? Non bien sûr. Si j'avais fait la même chose, tu n'aurais pas eu envie de savoir comment aurait été l'autre homme ? Il a répondu : "j'aurais eu envie de les tuer juste, les autres hommes". Ne se rendant pas compte qu'il avait ajouté un pluriel à mon singulier.

J'ai compris qu'il n'était donc pas disposé à entendre mes escapades avec Robert. Et le fait de n'avoir rien fait avec ce dernier n'aurait rien arrangé au contraire. Au fond de Denis il y avait un petit Diable, qui lui disait que j'étais si extraordinaire que je ne serais jamais à lui entièrement. Denis a besoin d'avoir des choses, de toucher les choses, d'être le maître de certaines choses. Je ne voyais plus mon avenir avec lui mais qu'importait l'avenir, je ne l'avais jamais vu avec personne, et surtout pas ici. Je ne pouvais pas. Je ne le sentais pas. Je n'étais pas faite pour ça. J'étais faite pour autre chose. Un autre homme certainement pas. Les autres hommes ne savent pas, comme Denis, de quoi il en retourne. On touche l'univers avec un cerveau déglingué. Et des émotions artificielles. On touche le coeur de la source. Faire des expériences sur des phénomènes paranormaux risque d'attirer à vous les vrais résultats paranormaux à un moment ou à un autre. Son corps d'homme à côté de moi, on était là, mais à côté en même temps, toujours finalement.

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Mais j'étais bien. Alors je lui ai dit : et si on arrêtait de parler. Je parlais trop autrefois. J'avais besoin de me battre contre quelque chose. Contre des oreilles si vous voulez. Les oreilles sales n'entendent que la saleté qu'elles ont déjà dans les conduits qui mènent aux tympans. Les oreilles propres font l'effort de se demander comment ça se fait que son corps si chaud contre moi, bien que cela m'est difficile à supporter, me fasse autant de bien. C'est ce qui s'appelle une vraie révélation, pas comme celles de la bible, qui sont toutes fausses. Et qui cherchent juste à faire des esclaves. Lui. Lui vaut toutes les paroles du monde. Toutes les bibles. Son corps, j'y tiens autant que le mien. Quand j'avais soif à son puits c'est lui qui m'a donné le premier à boire. Alors qu'il ne me connaissait pas. Il ne savait rien de mes prêches. Quand je suis morte la première fois, il était là pour embrasser mes pieds ensanglantés et pleurer sur le monde sans moi avec lui pour le faire tourner. Denis c'est certainement le seul feu qui vaille la peine qu'on l'attise, qu'on ne l'éteigne pas, et ce feu se trouve en moi. Le seul. C'est quoi déjà le numéro des pompiers ?

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